Pour ce deuxième recueil, l’orfèvre des pièces courtes, Daniel Keene offre aux lecteurs et aux acteurs quatorze textes brefs comme autant de nouvelles en empruntant différentes formes dramatiques : du monologue au dialogue en passant par les duos et les récits.
Avec une langue forte, ciselée, il entreprend un voyage au bout de l’humanité. Jonglant entre le fantasme et la réalité, il évoque tour à tour la banalité de la vie parfois, la maternité troublée, la paternité bouleversée ou l’enfance dévastée.
Ces pièces assez sombres laissent toutefois entrevoir un espoir. Quand il aborde la fin d’une époque, c’est pour proposer un touchant requiem, comme un avènement. Quand il montre la dernière limite de la vie humaine, c’est pour mieux en rire avec tendresse. Du très grand Keene avec de nombreuses pièces réellement bouleversantes.
Détail des textes présents dans ce livre
la terre, leur demeure
Texte original en anglais traduit en français par
« Samedi
tombée de la nuit
une route
le fils du fermier assis sur le bas-côté de la route
une petite fille approche et se tient à ses côtés
ils ne disent rien pendant quelques instants
–
Où est-ce que tu vas ? »
nuit, un mur, deux hommes
Texte original en anglais traduit en français par
« 1
nuit
un mur
deux hommes
Moe.- T'as eu droit à quelque chose ? »
Garçon sans visage
Texte original en anglais traduit en français par
« Lumière diffuse
Bruit d'un ventilateur électrique qui tourne
Bruit d'eau qui tombe goutte à goutte
Bruit lointain d'un chien qui aboie sporadiquement
Un lit étroit avec des barreaux de métal blanc
Un garçon d'environ seize ans assis sur le lit
Il est enfermé dans une couverture bleu pâle le visage caché
Longue pause avant qu'il ne commence
Dans la chambre était quelqu'un de loin. Ne parlant pas. Se penchant. »
entre aujourd'hui et demain
Texte original en anglais traduit en français par
« 1
Nuit.
Claire est en train de défaire une valise et de pendre les vêtements dans l'armoire.
Julie est assise sur le lit, l'observant.
Après une pause :
Julie.- Quand est-ce qu'on rentre à la maison ? »
brève obscurité
Texte original en anglais traduit en français par
« nuit
une petite chambre meublée
Helen (dans les trente-cinq ans) en chemise de nuit
elle est assise au bord de son lit
faible lumière d'une lampe de chevet
Encore un jour de passé »
vespérale
Texte original en anglais traduit en français par
« Un soir elle parla la voix douce
Ô dit-elle entendre le violon
Car c'était là le son qu'elle désirait si fort entendre
Un jour il y a longtemps elle l'avait entendu et elle n'avait jamais oublié
Pourtant jamais elle n'en avait parlé »
avis aux intéressés
Texte original en anglais traduit en français par
« 1
à la maison
jour
le père est assis seul à la table de la cuisine
– Tu t'es réveillé pendant que j'étais parti ? Je t'avais dit où je serais tu t'es souvenu ? Il fallait que j'y sois de bonne heure je me suis pas levé d'aussi bonne heure depuis le temps où je travaillais tu te souviens de quand je travaillais ? »
Ce texte figure également dans les éditions suivantes :
Marie & Marguerite
Texte original en anglais traduit en français par
« Nuit.
Obscurité.
Une vieille voix chuchote :
– Marguerite... Marguerite...
Pause.
Marguerite... tu es réveillée ?
– Non, je dors à poings fermés.
– C'est moi, Marie.
– Tiens donc ?
– Moi non plus je n'arrive pas à dormir. »
le premier train
(jamais et toujours)
Texte original en anglais traduit en français par
« Il y avait un petit garçon il jouait et il jouait il trouvait ses jouets dans le jardin il volait comme un avion il nageait comme un poisson il se cachait dans l'armoire il adorait fêter ses anniversaires il chantait joyeux anniversaire il adorait quand passaient les trains il pouvait les voir depuis sa fenêtre comme ils descendaient la colline et entraient dans sa ville »
ce qui demeure
Texte original en anglais traduit en français par
« un homme est assis à une table
il parle dans un microphone installé sur la table
il lit des extraits d'une liste
Ma maison le jardin autour de ma maison le passage des saisons à travers le jardin
Ma femme se brossant les cheveux chaque soir
À la tombée du jour des oiseaux palpitant invisibles dans les buissons »
fleuve
Texte original en anglais traduit en français par
« 1
soir
la berge d'un fleuve
un homme et son jeune fils
– C'est un grand fleuve ?
– Assez grand »
Cat
Texte original en anglais traduit en français par
« Dans le noir, un projecteur s'allume brusquement sur Cat, un jeune homme portant une veste pailletée d'argent ; il tient à la main deux baguettes de tambour.
[…]
Je me tiens là, à attendre, je me tiens toujours là à attendre, je ne sais pas quoi, je ne sais jamais, n'ai jamais su, que la fortune sourie, que le bateau arrive, que le ciel tombe, mais pas de ciel, pas de bateau, pas de fortune. »
croquemitaine
Texte original en anglais traduit en français par
« 1
petit matin
terre labourée
un homme et une femme
un nourrisson sur le sol à leurs pieds
– C'est mieux
– Non »
Le Souffle de K.
Texte original en anglais traduit en français par
« Quand l'ultime voyage fait signe, qui est en mesure de dire non ? Quand le cœur et l'âme supplient d'être absents, qui peut leur opposer un refus ? Quand toute personne qui vous est proche semble se tenir soudain à l'écart, quand le désir n'est plus désir mais seulement chagrin trop longtemps différé, qui peut dire non au dernier adieu que l'on attend de vous ? »