éditions Théâtrales Jeunesse

Maman a choisi la décapotable

de Antonio Carmona

Carnet artistique et pédagogique

**L’espace

Au fil du texte, un découpage en séquences peut être effectué individuellement ou en groupe et faire ensuite l’objet d’un débat sur la raison de ces choix : un changement de lieu, l’apparition d’un élément extérieur, d’un nouveau personnage ou peut-être un changement de sujet de discussion peut motiver leurs réponses. Grâce à ce découpage, iels seront amené·es à argumenter autour de choix dramaturgiques et cela entraînera des pistes de mise en jeu et en espace.
Par exemple, un découpage en cinq séquences, de la p. 7 à la p. 23, est envisageable.
Séquence 1 : du début jusqu’à la didascalie p. 10 : « Dans la cuisine » car changement de lieu.
Séquence 2 : jusqu’à « Elle sort » p. 12, nouveau changement de lieu.
Séquence 3 : se termine p. 15 à la réplique de Garance et son arrivée car elle n’était, a priori, pas présente en amont.
Séquence 4 : finie p. 20 à la didascalie « Dans la chambre des sœurs » avec un changement d’espace.
Séquence 5 : le dialogue des sœurs jusqu’à la didascalie « Le lendemain » p. 23.
L’évolution des enchaînements de ces séquences est un élément-clef de l’avancée de l’histoire, ainsi que la façon dont l’espace et le temps sont floutés au fur et à mesure de la pièce. Les élèves pourront noter les différentes adresses, entre les personnages ou au public (les sœurs qui se parlent plus souvent entre elles ou à Garance alors que cette dernière n’a pas d’interlocteur·ice), les solutions envisagées dans ce cas là : parle-t-elle au public ?, les différents modes de paroles : dialogue, soliloques, les scènes muettes, les moments de narration… afin de préparer de nouveau le terrain pour la mise en espace.

**La lettre comme marqueur de l’espace et du temps

Les lettres sont l’objet - et par conséquent l’accessoire - phare de ce texte. Elles sont le lien entre les personnages en présence au plateau et ceux qui sont simplement nommés, évoqués. Elles sont toutes exclusivement écrites par des hommes, pour des femmes (p. 25, p. 31, p. 35…).
Cette remarque peut être l’occasion d’aborder les périodes où les lettres ont eu une grande importance, notamment lors des guerres, entre les soldats au front et leur famille, ou leur fonction commune comme vecteur et trace d’amour, ce qui peut amener l’étude ou l’évocation de quelques correspondances ou lettres célèbres : Camus/Casarès, Desnos, Delbo, Duras ou encore De Gaulle... Ce dernier élément concernerait plutôt des élèves au collège, les élèves en primaire pourront être questionnés pour savoir s’iels ont déjà écrit et si oui, à qui, si non, à qui iels aimeraient le faire et leur proposer un exercice d’écriture en ce sens.
Les lettres sont ici le témoin de l’amour : entre Henri et Garance et entre Laurent, le père, et ses enfants. Elles marquent un changement à chaque fois qu’elles apparaissent et leur arrivée se fait d’ailleurs systématiquement de façon incongrue et magique.
D’une part, il y a celles d’Henri, qui parsèment le récit et relancent l’histoire d’amour qu’il entretient avec Garance. Elles sont un événement perturbateur. Elles troublent le rapport à l’espace-temps car elles semblent apparaître dans la pièce comme on recevrait un SMS. L’amour de Garance est l’unique du temps, p.24 : « Il y a quarante-trois jours ».
D’autre part, celles du père, sous forme de cartes postales qui n’arrivent que dans un second temps, mais présentes pourtant dès le départ, via l’objet coffre qui les renferme, nommé dès la première didascalie. Elles sont la marque de lieux plus ou moins lointains et du temps qui passe depuis son départ.
Il y a enfin le colis, les bottes envoyées par Lola à son père, premier élément qui s’envoie dans ce sens-là et qui va permettre la résolution de l’histoire.
Tout cet enchevêtrement de lettres est intéressant à étudier pour analyser leurs répercussions sur l’histoire et commencer à s’interroger sur la manière dont elles apparaissent, pour ouvrir l’imaginaire théâtral.
Cela peut aussi faire l’objet d’ateliers d’écriture : écrire une lettre à un membre de sa famille ou autre, écrire des cartes postales de vacances imaginaires…

**Le passage du réel au rêvé

Cette analyse fait un pont avec la manière dont l’espace et le temps se déstructurent et dont le rêve s’immisce de plus en plus dans la réalité des trois héroïnes. Le colis des bottes est effectivement un élément incongru qui va permettre la résolution de l’histoire et le retour du père.
Ce changement dans la structure du récit peut être analysé avec cette courte séquence et l’ellipse dans le récit p. 40, où Lola explique son plan et où on comprend qu’elle l’a mené à bien. Les élèves sont amenés à se demander pourquoi l’auteur fait ce choix et ce que cela apporte au rythme général de la pièce.
Une étude des didascalies sur l’ensemble du texte peut s’opérer à ce moment-là pour repérer les différents marqueurs du temps (« silence, temps, temps bref, petit blanc, blanc, noir ») et des lieux afin d’appuyer ce questionnement sur le rythme global.
Cette analyse permet également de noter que les enchaînements sont de plus en plus soudains ou saugrenus et de revenir avec les élèves sur l’emploi par Garance de l’expression « un château en Espagne ». Ce lieu est certes concret dans le récit mais, dans le langage courant, c’est une expression du rêve, du fantasme, ce qui appuie la porosité de la barrière rêve/réalité qui s’opère.
Les enfants sont amenés à questionner la réalité de ce qui arrive aux protagonistes et la part de fantasme qui s’immisce dans leur quotidien. Ils sont invités à rêver autour des moyens théâtraux à employer pour résoudre ces questions de plateau.