Aude Biren : Les contes sont intemporels, votre proposition à travers cette pièce d’une autre Cendrillon l’est aussi. Mais qui pourrait être votre Cendrillon aujourd’hui ? Où vivrait-elle ? à qui ressemblerait-elle ?
Bruno Castan : Je ne suis pas du tout certain qu’il faille – je suis même tout à fait persuadé qu’il ne faut pas – essayer de désigner une « Cendrillon d’aujourd’hui ». À chacun et chacune de nous d’investir et de s’approprier ce personnage éminemment symbolique (ce qui n’interdit pas à une écriture théâtrale de la rendre plus vivante que vivante) si cette projection intime nous permet de traverser et de vaincre l’épreuve du deuil et d’atteindre ainsi une autonomie qui nous permette cette liberté d’aimer autrui et d’en être aimé. Je crois que c’est là l’intérêt principal, et le bénéfice à tirer de ce conte « fondateur » ; dans mon esprit, l’exposition au théâtre de ce conte doit remplir la même fonction émancipatrice.
Aude Biren : Quelle serait la bande-son qui conviendrait le mieux à La Fille aux oiseaux ? (musiques, chansons, bruitages…)
Bruno Castan : Je laisse ce choix à celle ou celui qui désire mettre en scène la pièce... Dans ma mise en scène, je m’étais (tout à fait) contenté de la voix des interprètes, en plus du fait que l’un jouait de la flûte traversière et une autre du saxophone.
Aude Biren : Vous avez déjà mis en scène La Fille aux oiseaux, mais s’il vous fallait à nouveau mettre en scène la pièce aujourd’hui, auriez-vous une demande spécifique à faire à l’auteur ?
Bruno Castan : À vrai dire, non. Je viens de relire le texte, il me va tel quel. Et je suis persuadé que l’auteur me laisserait tout à fait libre dans ma mise en scène, comme il l’a déjà fait. Je pense même qu’il m’accorderait sa confiance...
Aude Biren : Le choix des oiseaux, qu’ils soient corbeaux, colombes, étourneaux, hiboux, paons ou oiseaux migrateurs, est-il symbolique par rapport à ce qu’ils disent, à ce qu’ils portent du récit ?
Bruno Castan : Je crois me rappeler que les frères Grimm, dont je me suis inspiré, ne parlent, en fait d’oiseaux, que d’une (blanche ?) colombe, perchée sur l’arbre poussé sur la tombe de la mère de Cendrillon, qui tend (?!) à celle-ci sa robe de bal... Pour les autres, mon choix est plus réaliste que symbolique, sauf sans doute pour les oiseaux migrateurs qui indiquent en effet le passage du temps. C’est le « croâ croâ » des corbeaux qui les a désignés tout naturellement comme les premiers témoins de l’histoire... C’est le cri invraisemblable et hautain du paon qui l’a désigné tout naturellement comme porte-parole du prince. Je reconnais avoir un peu chargé la blanche colombe avec son côté midinette, l’étourneau aussi enthousiaste qu’étourdi... Quant aux hiboux, j’aime qu’ils donnent la profondeur de la nuit, en pleine campagne...