La séance peut ensuite continuer sur des exercices simples d’occupation de l’espace. Tout d’abord les élèves marchent sur le plateau en changement de direction régulièrement et de manière autonome, l’objectif est d’équilibrer l’espace. Petit à petit, on peut complexifier cet exercice en divisant la classe en groupes : comment équilibrer un plateau avec deux chœurs, deux personnes, puis trois, quatre, etc. Cela permet de donner aux élèves des outils pour percevoir les rapports de force qui peuvent se dessiner sur un plateau, et les aider dans le jeu. De même, ce travail dans l’espace permet d’aborder scéniquement la question du chœur, dans le prolongement de ce que les élèves ont pu faire en lecture : les élèves, regroupé·es peuvent suivre d’un même pas (et en reproduisant ses gestes le plus fidèlement possible) un coryphée d’un·e seul·e élève qui marche dans la salle – au fur et à mesure de ses déplacements, le coryphée se retrouve à l’arrière du groupe et une autre personne, à l’avant, prend naturellement le relais.
Cet exercice n’a pas pour but de produire un discours universel à ce sujet, et de dire que tous les chœurs doivent être lus et interprétés de la même manière. Tous les chœurs sont différents et la pièce de Roche nous en donne un exemple : celui, explicitement nommé « chœur », qui prend en charge la narration de l’histoire de Jozef et Zelda n’est pas semblable à celui, très bref, que constituent les Lérottes (pp. 57-58). C’est ici qu’entre en jeu la question de l’interprétation. Les élèves peuvent chercher, en marchant dans l’espace, quelles peuvent être la voix, le corps, la démarche d’un chœur-narrateur d’une part et d’un chœur de Lérottes d’autre part. La lecture du texte est la première source d’informations pour guider les élèves dans cette recherche. Iels peuvent faire confiance à leur premier ressenti de lecture : les premières intuitions, les premières images sont souvent justes. De même, regarder les autres et reproduire ce qui nous plaît est un bon moyen de faire naître une interprétation collective de la pièce.
Car voilà ce qui constitue l’enjeu principal du passage au plateau : l’élaboration d’un vocabulaire théâtral codifié propre à la classe qui travaille sur ce texte. Le spectacle produit n’est en effet pas censé être une pièce professionnelle mais l’aboutissement d’un travail réalisé par des élèves à partir de l’étude d’un texte. Il ne s’agit donc pas d’interpréter les personnages de la pièce à la perfection, mais de produire une mise en scène qui mobilise tout le travail effectué jusque-là et qui met en valeur les mécanismes du texte ainsi que les outils dramaturgiques révélés par le travail d’analyse et de lecture à voix haute. Il faudra alors veiller à ce que les signes utilisés dans le spectacle soient le plus clair possible (un accessoire spécifique pour un personnage, une disposition dans l’espace très marquée, une démarche reconnaissable, etc.) d’autant plus que les élèves auront souvent à se passer le relais, et à prendre le rôle d’un·e autre.
Prenons l’exemple de deux scènes : celle qui commence par ”ON Y VA ?” (p. 9) et celle qui commence par ”OH !” (p. 47). On peut imaginer un dispositif assez simple où les élèves, dans une tenue neutre, interprètent par défaut le chœur. Au milieu du plateau se situe le chœur, groupé, duquel s’extraient un·e Jozef et un·e Zelda qui viennent se placer de part et d’autre du chœur, en avant-scène, revêtant une casquette identifiable ou un autre élément de costume qui fait sens pour le personnage de Jozef, et un autre pour Zelda (par exemple un chapeau).
Ce dispositif dessine un espace clair mais figé. Il peut être intéressant de le faire évoluer d’une scène à l’autre. Quand le chœur (au sens de narrateur, ici) disparaît pour des scènes de dialogues, le groupe peut se diviser en deux : les Zelda et les Jozef, chaque sous-groupe étant composé d’un coryphée prenant en charge les répliques directes et d’un chœur disant les répliques où Jozef et Zelda racontent leur histoire. Là encore, il est amusant d’imaginer des moyens de faire évoluer ce principe : quelles phrases du chœur sont dites par tout le groupe et quelles autres par une seule personne ? comment changer de coryphée ? comment faire apparaître les Lérottes ? avec quel accessoire ? etc. Les récits des deux enfants sont enfin l’occasion de faire entendre les compositions sonores des élèves évoquées en première partie : elles sont imaginées à partir des histoires de Jozef et Zelda et pourront venir accompagner et porter l’interprétation théâtrale que les élèves feront de ces mêmes histoires, comme une bande originale. Il leur faudra alors travailler particulièrement une écoute sensible pour dire leur texte en se laissant porter par le son.