On a proposé aux élèves de dire à voix haute ces seuils de l’œuvre pour mieux faire fonctionner, dès l’entrée dans la pièce, leur imaginaire de la fiction comme de la mise en scène. Mais on pourrait aussi leur proposer, au terme de leur lecture de la pièce, de revenir sur ces seuils préliminaires. Il ne s’agira plus seulement de les dire à voix haute mais de les interpréter : comment dire à plusieurs voix ces vingt promesses de scène, comment en faire sentir l’humour, les rimes, les clins d’œil ironiques ?
Dans la perspective d’une mise en voix / espace de plusieurs extraits de la pièce, la mise en voix du sommaire et de la liste de personnages servira alors de lien avec l’auditeur / spectateur, en lui permettant de repérer qui dira quoi, qui interprétera qui, sachant que la distribution des voix ne mime pas celle des personnages.
On remarquera à cette occasion que, lors de la création de la pièce, selon la note qui suit la liste de personnages, la mise en scène s’est réalisée avec seulement 6 comédiens pour 11 personnages : comment imaginer cette répartition ? Cela pourrait aussi être un des objectifs de la mise en voix de la liste de personnages.
Le jeu sur les doubles noms des personnages de Bernardine et Béranger pourrait enfin donner lieu à un amusant travail d’écho, selon qui dit leur prénom réel et leur prénom d’emprunt : le père, Mariette, ou eux-mêmes…
Comme on l’a vu, le texte didascalique est assez présent mais, au-delà de cette seule présence quantitative, se révèle aussi une forte relation entre l’auteur et son lecteur, par le biais de l’imaginaire de la scène, que l’on peut faire expérimenter et sentir par les élèves.
On pourra ainsi mettre en voix les didascalies initiales de chacune des vingt scènes, ou d’une partie d’entre elles, avant que les élèves lisent la pièce en entier pour qu’ils s’amusent à imaginer ce que la pièce va raconter.
Il y aurait aussi un intéressant travail à mener avec les didascalies qui clôturent les scènes et dont on peut observer qu’elles créent une sorte de rythme musical tout à fait frappant, entre elles et avec les didascalies liminaires de scène, construisant une écriture tout en échos, en répétitions et variantes, pour constituer ce que l’on analyse comme une esthétique musicale.
On peut même se demander s’il ne serait pas nécessaire de faire entendre cette voix didascalique sur scène. On connaît ainsi des mises en scène de Beckett, par exemple Fin de partie par Bernard Levy, dans lesquelles le texte didascalique était pour partie projeté sur scène, ou enregistré.
De la même façon se créent parfois des rimes amusées entre le texte dialogué et le texte didascalique, ainsi p. 15 :
BELLE.- Qu’aimeriez-vous entendre, père chéri ?
CORNÉLIS.- Ce que tu voudras… Peut-être pas ces nouvelles choses anglaises, ou je ne sais quoi, que t’apprend ton maître de musique. Je n’y comprends trop rien… et puis ça me rend triste. Joue-moi une brave chanson de matelot, tout simplement.
Belle joue une chanson de matelot que Cornélis fredonne un temps, jusqu’à ce qu’il pique du nez et somnole. Belle glisse alors insensiblement de la chanson de matelot à une de ces nouvelles choses anglaises, ou on ne sait quoi…
Il s’agira alors de ne pas priver l’auditeur / spectateur de ces formes de connivence proches de la parole du conte.
De la même façon il semble que toute l’évolution de Belle se retrouve en quelque sorte en creux dans le texte didascalique initial des scènes au château de la Bête. Là aussi, leur mise en voix, sur une couleur, un rythme à chercher, permettrait de sentir ce qui se passe sans presque avoir à l’expliquer.
Consigne à donner aux élèves :
plutôt que d’en faire une explication, faites sentir dans votre mise en voix ce que vous percevez de l’évolution du personnage et de la place que cela prend dans la structure et l’écriture de la pièce.