Cette première étape de découverte de l’œuvre, par la lecture et l’observation de quelques passages ciblés, permettra de plonger les élèves dans une approche à la fois pleinement littéraire mais également dramaturgique, en les engageant sur la voie de certaines questions à résoudre par leur lecture personnelle. Elle aura pour vocation d’être apéritive, de leur donner envie de découvrir la suite.
Dans un premier temps, on proposera aux élèves d’ouvrir la pièce et de découvrir la présence d’un sommaire, une table des matières initiale dont on se demandera quels peuvent être son intérêt et son rôle : offrir en quelque sorte le programme narratif de la pièce, matière à la rêver, à imaginer ce qu’elle pourra raconter. On pourra aussi retrouver ce procédé dans une autre pièce de Bruno Castan, Neige écarlate.
Il s’agit alors de faire résonner le sommaire qui amorce la lecture de Belle des eaux, en le lisant à voix haute.
À la question posée sur l’effet d’écho entre le 1 et le 20, on observera que l’ensemble de l’histoire se retrouve en quelque sorte encadré par « La statue… sur la mer », récit en deux parties enchâssant le drame. La didascalie initiale de la scène 20, « … Sur la mer » fait clairement écho à la didascalie initiale de la scène 1, « La statue… », passages qu’on lira à haute voix pour mieux en faire résonner l’écriture proche du conte.
Nous y voyons se reconstituer une sorte de continuité coupée en deux, une béance de la fable bien visible dans les points de suspension des deux titres, en chiasme, dans laquelle le corps même de la pièce s’insère. On connaît le procédé du récit enchâssé (récit dans le récit) représenté de façon emblématique par les Contes des mille et une nuits. Ici, c’est le récit qui enchâsse le drame pour reprendre la terminologie de Brecht. L’écriture théâtrale contemporaine n’est pas un simple dialogue fictif au présent, elle repose sur un mélange entre procédés du récit et procédés du drame, ce que l’on appelle épisation ou épicisation. Le corps même de la pièce se retrouve encadré par un récit au présent, lui aussi fictif et théâtralisé mais mettant en scène la parole du conte.
En introduisant le terme d’épicisation, l’enseignant veillera à contextualiser ce vocabulaire qui nous ramène aux premiers temps du théâtre occidental, quand tout le théâtre était récit (épique, epos) fait par le chœur, avant que la mimesis ne crée le jeu et les personnages.
Voir les premières pages de L’Histoire illustrée du théâtre d’André Degaine (Paris, Nizet, 1992).
L’auteur émerge ainsi derrière ce que l’on appellera la voix didascalique. On attirera l’attention des élèves sur une petite note de bas de page, insérée à la suite de la phrase du pêcheur :
Bien plus loin, là-bas, vers le large, il y avait un port*…
* Une musique monte insensiblement sur le récit du pêcheur rythmé par le mouvement des avirons. Elle est jouée sur un virginal par une jeune fille que l’on découvrira en 2.
Il s’agit là d’une voix didascalique de régie, de mise en scène, laissant entrapercevoir ce qu’avait sans doute été la mise en scène à la création de la pièce et, en tout cas, ce que pourrait être la mise en scène à venir de la fiction racontée par cette pièce. La scène 2 fait le lien avec ce virginal, instrument de musique anglais, sorte de clavecin, dans une didascalie initiale qui se situe désormais uniquement dans la fiction.
Dans leur lecture personnelle, les élèves pourront observer que ce sera bien ainsi tout au long des 17 autres scènes de la pièce, jusqu’à la scène 20 où l’on retrouve une didascalie finale de régie, en forme de clin d’œil de l’auteur :
Bruit de nage des avirons. La lumière descend jusqu’au noir pour la…
Fin.
On retrouve ainsi l’idée d’un encadrement du drame par le récit.