La double énonciation désigne, dans le texte théâtral, l’adresse interne à la fiction (le personnage interprété par l’acteur s’adresse à un ou des personnages) et l’adresse externe, simultanée et implicite (l’acteur interprète du personnage adresse les paroles du personnage au spectateur). Dans la dramaturgie classique, l’écriture joue fortement de cette double énonciation dans les scènes d’exposition, pour apporter au spectateur les informations nécessaires sur la situation. Faire prendre conscience de cette double énonciation est indispensable pour les travaux d’écriture et pour la mise en voix et en jeu.
À qui s’adresse telle ou telle partie du texte ? C’est une question clé de l’explication dramaturgique, dès la lecture et surtout dans les mises en voix et en jeu, d’autant plus que les auteurs contemporains mêlent parfois toutes ces voix, toutes ces adresses.
L’adresse au spectateur peut aller du plus implicite au plus explicite (l’auteur/l’acteur s’adresse en son nom au lecteur spectateur rompant la fiction et impliquant le lecteur / spectateur pour un effet comique, voire de cabotinage dans le théâtre de boulevard ; pour un appel critique dans le théâtre engagé ; pour un partage d’humanité dans certaines formes contemporaines d’auto-fictions théâtrales). L’adresse au spectateur est le fait de l’acteur dans l’aparté, le monologue (Sganarelle dans Dom Juan), le soliloque (Les stances du Cid).