éditions Théâtrales Jeunesse

Une chenille dans le cœur

de Stéphane Jaubertie

Carnet artistique et pédagogique

À partir de l’étude de la liste des personnages, première trace de l’identité de chacun, faire réfléchir les élèves au système des personnages que l’auteur propose et établir des pistes pour construire l’action et le sens de la pièce. Observer ensuite comment ces personnages se rencontrent, comment ils s’adressent l’un à l’autre et ce qu’ils se disent.

Objectif

  • Établir la définition / la notion de personnage de théâtre
  • Aborder la notion de conflit et envisager sa résolution

Questions

  • Quelles informations sont délivrées par la liste des personnages ?
  • Que peut-on déduire de cette liste ? Que peut-on imaginer quant à l’action de la pièce, au sens de la pièce ?

Éléments de réponse

  • Présence de 3 personnages ; deux sont immédiatement reconnaissables / identifiables : l’enfant et le bûcheron. Aucune précision n’est donnée sur l’identité de chacun
  • L’un existe par sa fonction sociale, personnage qui se signale par son activité : un travailleur manuel, qui utilise sa force, qui vit de cette force

L’autre personnage est nommé par son état, enfant, terme qui connote l’innocence, l’authenticité, la fragilité et la dépendance.
Apparaît une opposition entre la force / le physique de l’adulte et la vulnérabilité / l’innocence de l’enfant.
Tous deux sont solitaires : l’enfant est-il sans famille ? Est-il perdu ? Le bûcheron n’existe–t-il que pour son travail ?
Que sont-ils l’un pour l’autre ? Aucun renseignement n’est donné.
Le troisième personnage étonne et pose problème : la Présence. Qu’est-ce qu’une Présence ? Interroger les élèves sur leur perception de ce que peut être une Présence au théâtre. Quel pourrait être son rôle, son utilité ? Est-ce un personnage à part entière ? Existe –t-il des Présences dans d’autres œuvres, dans d’autres genres ? Comment jouer ce personnage-là ? Comment le représenter ? Quelle forme peut prendre cette Présence sur scène ? (virtuelle ? Vidéo ? Réelle ?) Élaborer des propositions.

Poursuivre la réflexion avec la note de l’auteur : « Du début à la fin, la Présence est sur scène. La mise en scène devra nous laisser imaginer qu’elle est l’Enfant devenue femme. Et qu’elle nous dit sa propre histoire. » Cette précision de l’auteur nous apporte plusieurs informations importantes.

  • Sur le sens de l’œuvre, sur l’issue de l’histoire : l’histoire s’est bien achevée : l’enfant a résolu son problème et a pu grandir normalement.
  • Sur la notion de personnage : la Présence n’est pas un personnage ordinaire. C’est l’enfant qui est devenu adulte. Il s’agit du même personnage à deux moments différents de sa vie. Stéphane Jaubertie met en présence en même temps, dans un même espace scénique deux personnages qui n’en sont qu’un. Il fait cohabiter le passé et le présent, il rend perceptible l’évolution d’un personnage sur scène, il rend visible l’invisible, à l’instar d’une photographie ou d’un flash-back au cinéma.
  • Sur la chronologie de l’histoire : ce personnage atypique nous conduit à nous demander comment l’histoire est racontée, organisée dans sa chronologie et dans son rythme. La Présence qui existe aujourd’hui, la femme adulte, raconte un épisode de son enfance et son histoire passée constitue notre présent. Elle redonne vie à l’Enfant qu’elle a été, elle perd sa réalité, devient une empreinte du présent, une sorte de fantôme, une allégorie pour laisser la voie libre à l’Enfant et à son histoire qui se déroule alors sous nos yeux.
  • Sur la situation d’énonciation : ce personnage reçoit le statut de conteuse ; conteuse de sa propre vie, ce qui confère une dimension autobiographique à cette histoire.

Cette étrangeté de la Présence au sein de l’œuvre nous incite à aller observer de plus près le texte.
Consigne : Feuilleter l’ouvrage et repérer toutes les interventions de la Présence.

  • Où et quand intervient-elle dans l’histoire ?
  • Comment prend-elle la parole ? Part-elle beaucoup ?
  • Quel est son rôle ?
  • Que se passe-t-il entre elle et les autres personnages ?

Réponses

  • Elle est la première à prendre la parole ; elle prononce également la dernière réplique.
    Elle est à la source du récit, de l’histoire. Elle clôt l’histoire et le récit.
  • Elle débute sur scène et elle est toujours présente, se pose alors la question de sa représentation et de sa place sur scène. Est-elle identique du début à la fin de la pièce ? comment évolue ce personnage : proposer cet exercice aux élèves : au fil de votre lecture, relevez toutes les indications qui concernent la Présence, son action et son évolution.

Sa prise de parole

  • Elle prend la parole comme les autres personnages, lors d’un échange avec un autre personnage. Page 23, la Présence s’adresse au bûcheron « Dis-lui ». repérage des indices de l’énonciation
  • Elle prend aussi la parole pour raconter l’action : page 12, « On a vu alors l’Enfant sortir, et attendre devant la porte. Toute la journée… ». repérage des indices de la narration
  • Elle prend en charge les propos d’autres personnages quand elle joue une autre identité : page 10, une didascalie signale le changement de rôle : « Et la Présence joue la mère. L’Enfant joue l’enfant. » La Présence / la mère. Elle garde son identité et revêt le rôle d’un autre personnage absent de la scène. Elle devient comédienne, et joue une scène pour le spectateur, théâtre dans le théâtre

Que dit-elle ?

  • « Bonjour. Vous seul pouvez m’aider. » Elle s’adresse à une personne qu’elle ne nomme pas. Elle utilise la deuxième personne du pluriel, formule de politesse ou plusieurs interlocuteurs lui font face. Elle lui adresse une demande d’aide en utilisant une phrase affirmative, comme si la personne était la dernière personne au monde à pouvoir l’aider
  • « Tel que nous me voyez, je grandis. Et sous vos yeux je vais grandir encore parce que je suis une enfant, et que tous les enfants passent leur vie à grandir. » adresse directe et présence de la vue. Les interlocuteurs sont en présence. Tout passe par le regard et par la parole, recours à l’ouïe. Elle sollicite la personne dans l’observation d’un phénomène qu’il est impossible de voir car c’est un processus qui s’opère lentement dans le temps. Il faudrait pour que l’interlocuteur puisse s’en rendre compte que la personne ait été vue auparavant et qu’elles se retrouvent après un moment d’absence. Ce phénomène qui se déroule en direct et dont l’interlocuteur sera le témoin. espoir de voir ce moment se poursuivre et référence à la notion de spectacle, référence à la représentation. Un moment grandiose, unique
  • « Mais moi, je suis exceptionnelle. Je suis le fruit rare d’un amour précieux. Je n’ai pas de colonne vertébrale. » une opposition par rapport à tous les enfants. Elle se présente alors qu’elle est adulte comme un cas particulier avec un vocabulaire laudatif valorisant. Elle annonce également le problème qui la touche, aborde la notion de handicap
  • « Je pousse dans un corset de bois qui tous les jours me serre un peu plus. Je suis exceptionnelle. Je grandis et je ne pourrai bientôt plus respirer. Je compte sur vous. ». Ce corset rend visible le handicap, trace de ce handicap. L’urgence du problème apparaît : elle a besoin d’un autre corset qui lui permettra de respirer normalement. Répétition du terme grandir associée au sentiment d’urgence, avec la mort qui rôde. Réitération de l’appel à l’aide en plaçant sa confiance dans l’interlocuteur

Cette première réplique fonctionne comme un discours prononcé par un monsieur Loyal qui annonce le programme de la soirée comme si un numéro de magie allait s’opérer. Ce qui au théâtre est possible. Une métamorphose. La femme nous plonge dans le passé et nous raconte sa propre histoire.
Tel un coryphée, la présence fonctionne comme dans le prologue d’une tragédie. Elle annonce l’enjeu du texte. En chef de chœur, elle organise tout ce qui va se passer sous nos yeux, sur scène.
Tout est ici posé. On sait que L’enfant existe, Elle est le fruit de l’amour, Elle est handicapée et si aucune solution n’est trouvée, la mort viendra. Enjeu du texte est donné : le ton est donné l’énergie aussi.
Précisons également que cette première prise de parole est placée entre guillemets comme si on citait les paroles dites.