Avant de lire le texte de Stéphane Jaubertie, il convient d’être prêt à cette rencontre pour qu’elle prenne toute sa valeur. Cette préparation ne doit pas être négligée. La rencontre avec une œuvre, comme la rencontre avec une personne, avec un animal, avec un film ou avec un livre, nous laisse entrevoir des possibilités nouvelles d’habiter le monde. Encore faut-il être ouvert à cette rencontre.
Avant de commencer, tous les élèves et leur enseignant s’équipent d’un carnet vierge que l’on appellera « le carnet du lecteur ». Ce sera un carnet individuel qui permettra à chacun de garder une trace intime de sa découverte.
Moi, je t’assure que quand je lis un livre que j’admire, que je trouve beau, ou quand j’entends une musique que je trouve belle, vraiment, alors j’ai le sentiment de passer par de telles étapes, jamais un voyage ne m’a donné de pareilles émotions… Alors pourquoi j’irais les chercher, ces émotions-là qui ne me conviennent pas très bien alors que je les ai pour moi en plus beau dans des systèmes immobiles comme la musique ou comme la philosophie ?
Gilles Deleuze, « Lettre V », L’Abécédaire de Gilles Deleuze, éditions Montparnasse, DVD, 1996.
Avant même de distribuer les livres, avant même de parler de l’auteur, je propose de s’interroger tous ensemble sur le voyage immobile selon un protocole d’atelier de philosophie défini dans l’annexe a.
Cette expression de voyage immobile est empruntée aux philosophes et poètes Paul Valéry, Gilles Deleuze ou encore Fernando Pessoa. Elle est simplement une méthode pour se mettre en état d’accueil prêt à voyager dans la pièce de Stéphane Jaubertie.
Par la lecture de la citation écrite ci-dessus, qui peut être inscrite sur un tableau pour que les enfants l’aient en permanence sous les yeux, l’enseignant pourra mettre le groupe sur la voie d’une réflexion sur le voyage immobile. Il faudra les guider progressivement dans leur réflexion pour les amener peu à peu à considérer toutes les possibilités que notre esprit détient pour se déplacer en restant immobile.
Comment voyager sans se déplacer ?
Qu’est-ce qui peut nous permettre de voyager sans bouger ?
Cherchons des exemples de voyages immobiles dans notre tête et partageons-les.
Par cet exercice introspectif et ces questions, l’enseignant guidera la réflexion des enfants qui peu à peu considéreront et observeront toutes les possibilités que leur esprit détient pour se déplacer en restant immobile.
La deuxième étape avant de distribuer les livres est la rencontre avec Stéphane Jaubertie, son auteur. Nous nous servirons ici de deux courts textes que l’enseignant lira aux élèves, assis en cercle tous ensemble.
Le premier texte sera la biographie située à la fin du livre Un Chien dans la tête.
Le deuxième texte est un dialogue entre Steph 1 et Steph 2 écrit par Stéphane Jaubertie à la fin de sa pièce Létée (cf. annexe b).
Dans la continuité du premier exercice, la lecture par l’enseignant de chacun des textes sera l’objet d’une conversation entre les enfants. Une méthode assez simple pour faire démarrer la conversation sera de demander aux enfants quels mots leur reste-t-il de ce qui vient d’être lu. À partir de là, d’autres questions suivront et d’autres souvenirs de mots ou de phrases. Chaque classe et chaque enfant ici retiendront des mots différents, mais ils auront une idée de qui est Stéphane Jaubertie. À la fois d’une manière très pragmatique par la description de son parcours et de manière plus philosophique par la découverte de l’entretien qu’il se fait à lui-même.
La rencontre avec le livre peut maintenant avoir lieu et les livres distribués à chaque enfant. L’idéal est d’avoir un livre par enfant. Sinon, il est bien d’avoir un jeu de livres qui circulera dans le groupe.
Les enfants peuvent maintenant manipuler le livre pour observer dans un premier temps la couverture et la quatrième de couverture. Plusieurs exercices sont déjà possibles à partir de cette première observation.
La couverture
L’observation de la couverture est déjà l’occasion de présenter la maison d’édition. Les éditions Théâtrales, spécialisées dans la publication de pièces de théâtre, ont développé une collection destinée aux plus jeunes. À partir de leur site, l’enseignant peut faire une présentation succincte de l’éditeur en prenant le temps d’expliquer ce qu’est une maison d’édition et quelles sont ses missions.
En se reportant sur la page « La maison », l’enseignant trouvera les mots pour présenter aux enfants la maison d’édition et sa collection jeunesse.
Le ballon présent sur la couverture est à souligner auprès des enfants puisque ce visuel permet de reconnaître la collection. Si l’enseignant a d’autres livres de la maison, il peut les montrer aux enfants.
Le titre de la pièce inscrit sur la couverture peut être également la base d’une nouvelle discussion pendant laquelle les enfants émettent des hypothèses sur l’histoire qu’ils découvriront par la suite.
L’enseignant peut poser la question aux enfants : Que pourrait signifier le titre Un chien dans la tête ? Sachant que cette question peut être un leitmotiv tout au long de la transmission de cette pièce aux enfants.
La réponse de chacun peut être inscrite dans le carnet du lecteur et pourra être enrichie et modifiée au fil de la découverte de la pièce.
La quatrième de couverture
Le résumé de la pièce va maintenant être découvert grâce à une lecture collective à voix haute. Les enfants sont toujours assis en cercle et lisent une phrase chacun à voix haute pour découvrir l’histoire.
La note d’intention de l’auteur (pp. 75-76)
La lecture de la quatrième de couverture peut être directement suivie par la lecture de la note d’intention située à la fin de la pièce.
Après ces deux lectures, peut se mettre en place une conversation pendant laquelle l’enseignant pose des questions aux enfants pour mettre en route leurs hypothèses de lecture.
Des exemples de questions à poser aux enfants :
Les personnages et leur dénomination
Une dernière étape dans la découverte du paratexte est celle de la lecture de la page des personnages, p. 6. Les quatre personnages sont : Fils, Celle qui reste, Fils de la baleine et Mère. On remarque que comme dans la plupart des pièces de Stéphane Jaubertie les personnages n’ont pas de prénom. Ils sont nommés ici par leur place dans la famille ou par leur relation à celle-ci.
Fils et Mère : Stéphane Jaubertie n’utilise pas de pronom devant chaque nom commun. Il ne s’agit d’un fils déterminé mais pourtant pas non plus de n’importe quel fils. Ce n’est ni « le » fils ou « un » fils, ce n’est ni « la » mère ou « une » mère, comme s’il souhaitait placer le lecteur dans cette entre deux entre l’indéterminé et le déterminé ; entre l’intime et l’universel. Un peu comme l’est le sentiment de la honte, sentiment paradoxal puisqu’à la fois secret et universel (car expérimenté par tous).
Celle qui reste et Fils de la baleine : ces deux personnages sont définis par leur expérience au sein de leur famille qui leur assigne une place figée aux yeux du monde.
Ici, un exercice qui amène chaque enfant à réfléchir à comment il pourrait être nommé dans sa famille peut être intéressant. Chaque enfant peut écrire sur son carnet de lecteur quelle nomination il aurait si on choisissait comme Stéphane Jaubertie de le qualifier par rapport à sa place dans la famille. Vous pouvez donner des exemples aux enfants de votre expérience personnelle en faisant l’exercice avec eux. Si certains enfants veulent partager leur nomination, ils peuvent le faire, mais cela peut aussi appartenir à leur jardin secret et être seulement écrit dans le carnet du lecteur.
La citation de René Char
Une ultime étape peut clôturer la rencontre avec l’objet livre, il s’agit de la lecture de la citation du poète René Char écrite à la page 5 :
Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque.
À te regarder, ils s’habitueront.
« Rougeur des matinaux »
Là encore, cette citation inscrite sur un tableau peut être le support d’une conversation entre les enfants, guidée par l’enseignant.
L’intérêt de discuter à partir de cette phrase est à la fois de créer un lien avec l’expérience de chacun mais aussi de la relier au paratexte et aux hypothèses de lecture faites par les enfants durant les étapes précédentes.
La rencontre avec l’œuvre est maintenant terminée. Avant de continuer le cheminement dans l’œuvre, l’enseignant peut demander aux enfants de dire un mot à tour de rôle dans le cercle. Un mot qu’il a envie de retenir concernant cette première rencontre avec le livre.
Une fois que chacun a son mot. Le mot peut être dit, chuchoté, crié en demandant à chacun de se lever. Il peut aussi être écrit dans le carnet du lecteur.