« Comment ces petits souliers ont-ils émergé du sable ? Comment ont-ils pris forme ? Puisqu’il faut trouver des mots pour partager des intuitions… Je dirais à partir des conditions de l’enfance que je regarde changer à un rythme effarant selon les modes qui s’attaquent maintenant aux replis les plus secrets de l’intimité, celle des enfants entre eux, celle des relations entre les enfants et les adultes. Nous sommes entrés dans l’âge de la « sur » protection, de la sécurité à tout prix…
Je repense souvent à mon enfance… à ses grandes joies, à ses grandes peines, à ses moments de gloire où la peur et l’envie de la surmonter faisaient grandir. Tout dans mon enfance me semblait grand et cette grandeur m’appelait, m’attirait irrésistiblement vers l’inconnu, le neuf, le « ce qu’il y a à explorer »… Toute petite, j’avais une passion pour l’extérieur, le monde plus grand que la cour autour de la maison. Je voulais sortir et explorer. Vers le haut, vers là-bas, dehors, ailleurs. C’était permis. Maintenant c’est plus difficile, parfois défendu. Avec le premier souffle, l’enfant doit apprendre à se méfier du voisin, du soleil qui brille trop fort, de la rue qui tue.
Je suis allée m’asseoir dans une garderie où ils vivent de longues journées pour découvrir avec eux tous ces dangers qui les menacent. Je les ai écoutés, je les ai observés. Je me suis passionnée pour les insectes de la ruelle, j’ai joué au parc et souffert des petits conflits et des grosses larmes. Et j’ai trouvé que ces petits ressemblaient à s’y méprendre à mes souvenirs d’enfance… Ils sont toujours les explorateurs qui partent avec la certitude de découvrir et le sentiment que chaque découverte est un bonheur et une victoire. »
[/Suzanne Lebeau/]