« Plus de 25 ans se sont écoulés depuis la création d’Une lune entre deux maisons et je retrouve cette émotion si particulière à la pensée de rencontrer à nouveau le public des tout-petits.
Je les imagine entrer tout doucement dans la pénombre, habités par la peur et l’excitation devant l’inconnu, un monde à découvrir. Le monde du théâtre crée le vrai à partir du faux mais ce faux est pour les tout-petits plus vrai que vrai parce qu’ils connaissent instinctivement les règles du jeu : ils savent jouer.
J’ai demandé aux comédiens non pas de jouer à l’enfant mais de retrouver cet état d’enfance sans faux-semblants, habités de force et de fragilité dans le mouvement du temps. Le temps qui bat, le temps qui bouge, le temps qui s’écoule dans l’instant. L’instant présent, celui du jeu sans complaisance, sans condescendance, qui trace avec les grains du désir un chemin à parcourir, à découvrir ensemble, pour combattre la peur, pour combattre les peurs qui nous habitent, qui paralysent, interrompant la suite du temps… »
[/Gervais Gaudreault/]
Avec Souliers de sable, nous revenons à la création en direction des tout-petits, un travail de proximité qui demande une grande intimité. Avec ce nouveau projet, Gervais Gaudreault désire retrouver avec eux ce qu’il appelle le théâtre de chambre, en écho à la musique de chambre, pour favoriser l’écoute. « Arriver à cette qualité d’écoute, sans compromis, me préoccupe particulièrement. C’est la chose la plus importante et la plus difficile à obtenir en jeune public. Parce que l’écoute nous amène à l’intériorité. Comme créateur, mon travail de mise en scène doit conduire le spectateur vers cette intériorité-là. »
Le spectacle repose sur le plaisir et la peur que procure la liberté. Les deux personnages s’opposent, se répondent, dans leur attitude face à la découverte du monde qui les entoure. Souliers de sable est un texte sensuel : tout passe par les sens. L’écriture scénique, tout comme l’écriture, sera un amalgame de stimuli sonores, visuels, corporels : la sensualité dans la découverte. Comme les tout-petits, qui comprennent avec leur corps, avec leur sens.
Les souliers, deux paires de souliers, celle de Léo et de sa grande sœur Élise, sont les initiateurs de ce voyage libérateur. Ils sont le troisième protagoniste de cette histoire, à la fois déclencheur et meneur de jeu. Ces souliers auraient pu être des objets marionnettiques, ils seront plutôt incarnés aux pieds et aux mains par un acteur-danseur qui exprimera l’énergie du mouvement dans une opposition entre espace fermé et espace ouvert où s’articulera la mise en scène.
La fuite des souliers, inscrite dans la dynamique interne du texte, sera traitée comme différents moments chorégraphiques où pulsions, mouvements, danse créeront des relations parfois sensibles, parfois ludiques, avec le frère ou la sœur dans leurs relations au monde. Le travail corporel cohabitera avec le travail textuel pour trouver la vérité des personnages-enfants dans les situations et les émotions du texte, sans jamais « jouer à l’enfant ». Trouver la vérité de l’enfant et de ses émotions est toujours un jeu d’équilibre délicat qu’il ne faut pas sous-estimer.
C’est autour de ces principaux enjeux qu’évolue présentement notre travail de création.