« Pendant 4 ans, j’ai réuni des artistes qui avaient envie de faire un chemin avec leurs morts. Au fil du temps, à mes côtés une équipe s’est constituée. Progressivement, ensemble, on a invité dans notre travail de théâtre des personnes aimées, trop tôt disparues. On leur a offert une place majeure. C’était joyeux et bouleversant.
Dans ces moments précieux, je pensais souvent à l’Enfance. J’avais lu notamment dans Le Monde qu’un élève par classe a perdu son père ou sa mère, ou les deux. Cette statistique me consternait. Je me demandais comment on pourrait partager avec les enfants notre aventure.
Je sais combien il peut être difficile de partager la mort avec les plus petits. Il y a 15 ans, mes neveux Martin et Joseph, alors âgés de 7 et de 4 ans, ont perdu leur papa dans des circonstances tragiques et j’ai été témoin de l’impossibilité des adultes à aborder avec eux ce qui a été un drame pour la famille, pour les amis. Ce qui était frappant, à l’inverse, c’est l’évidence avec laquelle ces enfants entre eux communiquaient. Je revois Martin dans un jardin public, expliquer ce qui était arrivé à son père à des gosses de son âge, dont j’entends encore les réactions : Comment va ton petit frère ? Est-ce que la nuit tu pleures dans ton lit ? Est-ce que dans ta chambre tu as une photo de ton père ?
En 2020, j’ai décidé d’écrire pour les enfants quelque chose sur la place des morts. Je rassemblais mes notes à la Chartreuse (un lieu d’écriture que je fréquente souvent) quand le Covid nous est tombé dessus. Il y a eu un mouvement de panique, d’autres auteurs et moi avons été évacués. Quand je me suis retrouvée chez moi, le confinement venait d’être annoncé. J’ai poussé les meubles du salon, j’ai tiré mon bureau au milieu de la pièce…
La petite Françou, Mustafa et les autres sont arrivés en se bousculant. Ils semblaient sortir du réel. Ils voulaient être considérés pour leur capacité à faire face, pour leur intelligence…
À la radio, les morts étaient devenus des chiffres. On parlait d’enterrements sans famille, sans amis. À la maison, j’ai écrit Oiseau. C’était ma façon d’être vivante, de faire de la politique. »
Proposition d’utilisation de l’objet : L’enseignant·e pourra proposer de repenser le sens de la pièce au regard de la pandémie de Covid-19. En s’appuyant sur les mots de l’autrice, les élèves pourront se demander comment notre rapport à la mort a-t-il évolué durant celle-ci.