éditions Théâtrales Jeunesse

Oiseau

de Anna Nozière

Carnet artistique et pédagogique

*** La mort : une chose commune

Pour faire face à l’incrédulité et le malaise des adultes, Mustafa, Paméla, Françou et d’autres se regroupent et forment un petit club d’endeuillé·es, débattant ensemble de la façon dont les adultes se comportent face aux défunt·es :

PAMÉLA.– Adèle a raconté qu’un maître l’avait montrée du doigt parce qu’elle portait un pull de sa mère décédée. C’est dégueulasse a trouvé ma sœur, Nikita.
MUSTAFA.– Et ça, c’est pas dégueulasse ? a répliqué Lolo. Personne n’a voulu que j’enterre mon cochon d’Inde au cimetière. (p. 17)

Et puis, par l’entremise de la petite Françou, le groupe est initié aux Chaloubes et au voyage vers l’autre côté, qui arrive la nuit :

PAMÉLA.– À minuit, j’ai senti mon corps se soulever. Je n’ai même pas eu peur. (p. 20)

L’enseignant·e pourra demander aux élèves ce que peuvent être, selon elleux, les Chaloubes. Évoquent-ils aux élèves d’autres créatures surnaturelles, dont la fonction serait d’emmener les défunt·es de l’autre côté ? On a déjà évoqué les dieux psychopompes, on pourra évoquer en classe Charon, le passeur des morts dans la mythologie grecque, et aller plus loin en élargissant les réflexions et recherches à d’autres cultures non occidentales.

Cette expérience de voyage de l’autre côté soude le petit groupe d’ami·es. De cette traversée, iels ramènent des objets que les mort·es veulent faire passer aux vivant·es, ce qui rend plus indiscutable le prodige des personnages.

*** La mort pour penser la vie

Après s’être constitué·es en groupe à l’appel du tract de Paméla « SI TU AIMES TES MORTS, VIENS AVEC NOUS. » (p. 12), iels se rassemblent désormais sous la pancarte « INTERDIT À CEUX QUI N’Y CROIENT PAS. » (p. 22). Très vite, ce slogan écrit par un garçon sur une pancarte dans la salle où iels se rejoignent va faire des petits : des tags apparaissent sur les murs de l’école : « POLICE PARTOUT, NOS MORTS NULLE PART. » (p. 25) et « IL EST INTERDIT D’INTERDIRE AUX VIVANTS ET AUX MORTS DE SE PARLER. » (p. 32). Il est intéressant de demander aux élèves ce que leur évoquent ces tags : l’écriture capitale, leur présence sur les murs, le choix de mots et leur agencement. Une recherche pourra être proposée à la maison pour trouver à quels célèbres slogans politiques ils renvoient. Si ces slogans appellent au rassemblement, l’enseignant·e pourra demander aux élèves pourquoi il leur semble important se rassembler autour d’une chose commune comme le deuil par exemple.

À partir du premier tag, le ton change : croire aux morts, leur laisser une place dans le réel devient un acte politique et poétique, dans une société qui laisse en marge les disparu·es. Nikita relève même que :

MUSTAFA.– En France, il y a des vivants qu’on met dehors, a expliqué Nikita, alors les morts c’est pas pour demain qu’on va les accueillir. (p. 24)

L’enseignant·e pourra proposer une réflexion sur cette réplique. De qui parle-t-on ici ? On pourra également mettre en lien le sujet soulevé par Nikita et les slogans évoqués plus haut : que revendiquent-ils ? De quoi cela pourrait être le symbole ? Les mort·es évoqué·es ne sont plus seulement des personnes singulières, mais symbolisent plus généralement un groupe ostracisé, mis à l’écart du monde.

D’ailleurs, même au sein des mort·es, il y a des discriminations. Alors qu’elle se dispute avec Monsieur Burrata à propos de l’attitude des élèves à l’école, la tante de Paméla lui fait remarquer qu’il porte un t-shirt à l’effigie d’un chanteur mort :

PAMÉLA.– Alors ceux qui chantent sont éternels, et ceux qui vous ont appris à marcher doivent disparaître ? (p. 26)

Plus loin, au moment de l’inauguration de la piscine Rosa Bonheur, Paméla se réjouit cependant « […] qu’au moins les morts [ont] leur nom sur les plaques... » (p. 30). Le combat des enfants fait prendre conscience aux adultes que la mort est partout, à commencer par les programmes scolaires : « parce que les enfants n’étudient que des poètes et des mathématiciens morts à l’école. En plus, bien sûr, de toutes les guerres. » (p. 35) note le père d’Amadou plus loin.
L’enseignant·e pourra proposer un échange avec les élèves sur ce sujet : pourquoi ne parle-t-on que des mort·es connu·es et reste-t-on gêné·es quand il s’agit d’anonymes ou d’animaux ?