Pour faire leur deuil, Garance et Angie ne s’appuient pas seulement sur des éléments directement liés à Jacques, mais aussi sur des choses qu’elles n’ont pas vécues avec lui, que Jacques n’a jamais connues : Garance commande un robot à l’effigie de son père mais qui n’est pas lui pour autant, et Angie voit son grand-père dans un chat qu’elle vient de trouver. On ne peut alors que se dire que ce sont des attaches factices, et que les souvenirs qu’elles font remonter à la surface en sont forcément troublés.
Est-ce néanmoins si différent des « vrais » souvenirs évoqués ci-dessus ? Le souvenir que l’on a de quelqu’un est toujours une fiction, une reconstitution mentale de fragments épars qui mettent la lumière sur certains aspects et en cachent d’autres. Le souvenir d’une personne n’est pas la personne elle-même.
Par ailleurs, le fait de se fabriquer des attaches permet à la mère et sa fille de faire leur deuil. Garance dit en effet que grâce au chat, « Angie va mieux » (p. 23). À la fin de la pièce, Garance décide aussi de faire face et se « télétransporte dans la vraie vie » (p. 56) pour accepter la mort de son père, tandis que Damien, qui lui reprochait de fuir la réalité, s’échappe bel et bien dans l’avant-dernière scène (p. 55). C’est donc bien en se figurant une image virtuelle de Jacques que ces deux personnages parviennent à surmonter l’épreuve du deuil.
On peut imaginer prolonger le travail oral effectué avec les élèves (dans la sous-partie précédente) en leur proposant d’inventer un lien fictionnel avec un autre objet de leur choix. L’exercice est alors différent, il s’agit désormais de produire de la fiction à partir d’un objet bien réel. C’est le début du théâtre : donner l’illusion du vrai avec du faux.