Après la lecture de la pièce entière, s’intéresser à ses multiples thématiques peut permettre de déployer différents axes de réception de cette lecture.
1- On peut en classe lister les thématiques de Lucienne Eden. Certaines apparaissent de manière évidente mais on peut demander aux élèves, par petits groupes, de repérer, puis de partager et d’argumenter auprès des autres, les extraits du texte qui pour eux traitent clairement telle ou telle thématique. Puis, dans chaque extrait choisi, on ne manquera pas de chercher si une autre thématique se glisse à l’intérieur même de la première.
L’intérêt pour les jeunes lecteur·rices ici sera de partager et confronter leurs lectures subjectives à celle des autres, en débattant ou en argumentant leurs choix. En explorant le texte de cette manière, ils pourront en percevoir plus sensiblement la richesse, le foisonnement tout en construisant une lecture plus personnelle.
- Prenons par exemple la scène 4. Au début de la scène page 39, c’est la thématique de la perte du père qui semble mise en avant, mais dès les pages 41 et 42 le dérèglement climatique (le poisson rare, les tempêtes fréquentes, le plastique...), est abordé. On peut poursuivre encore pages 45 et 46, concernant les conférences de sensibilisation d’Andris : n’est-ce pas de notre conscience écologique ou de notre capacité ou non à intervenir dont il est question ?
2- La scène 8 peut faire l’objet de débats d’idées passionnants sur la thématique de la force de la jeunesse, les pages 84 à 87 notamment. En premier lieu, oraliser cette scène permettra d’en saisir toute la densité. L’on peut s’appuyer sur de nombreuses phrases du texte pour en débattre, argumenter si nous sommes d’accord ou non avec Lucienne, quelles seraient les limites de son raisonnement ? Par exemple :
– Sa vision de l’amour : « L’amour, c’est peut-être pas sérieux, mais faudra gravement l’envisager. »
– Sa vision de la jeunesse et des adultes : « C’est quand même pas la dinguerie du monde dans lequel on déboule qui va nous empêcher de vivre ! »
– Sa vision de la mort : « Oui, elle existe, la mort. Et alors ? C’est quand même pas elle qui va nous empêcher de vivre ? »
3- La thématique de la découverte de l’amour, de l’amour naissant, constitue en filigrane le cadre de cette pièce.
Il serait amusant et instructif d’en examiner avec les jeunes la construction tout au long du texte. Comme il s’agit d’une comédie, on peut faire un repérage rapide du traitement par l’auteur de certaines situations, de certains travers des personnages, du second degré, de la truculence des répliques.
On peut également dresser une sorte de carte de la découverte de l’amour chez Lucienne :
– Elle n’a jamais rencontré personne de son âge sur cette île, la didascalie de début de la scène 2, p. 13, nous dit qu’elle « profite de son sommeil pour l’embrasser. »
– D’où pourraient lui venir ses stéréotypes ou ses clichés sur l’amour ? Son fameux « Ah les hommes ! » ou « Les hommes… » (pages 13, 23, 32, 39, 53, 58, 59, 62, 107, 109, 113) que l’on peut s’amuser à relever tout au long de la pièce jusqu’à ce que ce cliché se transforme, change de nature pour devenir la toute dernière réplique de la pièce, d’une grande tendresse.
– La deuxième partie de la scène 3 est un exemple parfait d’exubérance de la part de Lucienne qui projette les relations amoureuses dans un schéma hâtif, mêlant encore une fois clichés et empressement. Il serait très intéressant de débattre de cette « conception » des relations amoureuses.
– On peut relever, au long de la pièce, le changement de nature dans la relation de Lucienne et de Gaspard. Quelles sont les marques de langage qui indiquent ce changement ?
Autour de cette thématique du sentiment amoureux et de la découverte de l’autre, on peut mettre en miroir les comédies La Dispute ou encore Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux. Relever à travers quelques extraits les différences, les similitudes ou les marques du temps dans le discours amoureux, dans la place et la parole de la femme.