La lecture de la scène 1 (p. 7) est certainement un bon point de départ pour entrer dans le texte, repérer et apprivoiser la langue de l’auteur, envisager la situation générale. Cette scène qui commence avec une partie monologue de Lucienne, peut donner également des informations quant au caractère de ce personnage.
1- Commençons par la lecture des pages 7, 8 et 9 jusqu’à « Oh ! Machin ».
Cette partie peut être lue à voix haute par 6 jeunes au minimum, en prenant soin de définir en amont les moments où l’on passe la parole à une autre personne. On peut également donner à lire tout ce qui relève des didascalies à un·e lecteur·rice en particulier, ce qui permettra en début d’approche du texte de voir ou revoir avec les jeunes certaines notions de dramaturgie. Les autres élèves auditeur·rices seront sollicité·es pour exprimer leur perception du texte et particulièrement du langage.
Quelques questions pour guider leur attention :
Lucienne utilise-t-elle seulement le français ? Y a-t-il un ou plusieurs registres de langue employés ? On peut relever les expressions, les mots relevant d’un langage argotique ou familier.
Prêtons attention également aux adresses différentes, par exemple p. 7 à qui s’adresse Lucienne (« Ça vous suffit pas d’avoir tout salopé la Terre ? »), à quel moment ce type d’adresse se modifie ? À qui s’adresse-t-elle ?
Puis change à nouveau p. 8 par exemple : « Non mais tu fais quoi, Lulu ? Ben je m’abandonne. ».
Le relevé de ces différentes adresses, du langage, du vocabulaire ou encore des sonorités est important pour une compréhension fine de la pièce et pour savourer lors de la lecture l’humour, le surplomb, la légèreté installés par l’auteur sur des sujets pourtant sérieux.
– Ce relevé peut également ouvrir sur une discussion quant à la personnalité du personnage de Lucienne. Quels sont les termes qui la définiraient au mieux ? L’énergie, la truculence….
2- Dans la même démarche d’exploration sensible du texte, on peut faire lire p. 29 les répliques suivantes :
ANDRIS.- Nous sommes tous des naufragés.
GASPARD.- Oui, mais moi je n’ai rien à faire là ! Je cherchais mon père quand la tempête a renversé mon bateau ! Si je suis arrivé jusqu’à vous, à la fin de la nuit, c’est porté par le chaos des vagues, flottant sur des plastiques, mon destin à la merci d’éléments déchaînés, un destin grain de sable dans la main des océans…
ANDRIS.- Y dit quoi ?
LUCIENNE.- Qu’y s’est échoué comme une merde.
Ce court dialogue entre les trois personnages est très représentatif du langage construit par l’auteur dans cette pièce. On peut engager les jeunes à relever ce qui dans le procédé crée un effet humoristique et contemporain. Par exemple, cette confrontation entre le langage empruntant à la figure de style de l’un, et le langage familier de l’autre. Ce simple extrait peut ouvrir un débat avec les élèves :
– Pourquoi Lucienne semble-t-elle éprouver le besoin de « traduire » ce que dit Gaspard ?
– Que nous apporte à nous, qui écoutons, voyons ou lisons, la poétisation du discours de Gaspard ?
On pourra trouver de nombreux autres extraits et exemples au long de la pièce de cette tension entre poétisation et familiarité. L’occasion encore de débattre avec les jeunes de la forme littéraire, de la poésie, des multiples façons de dire le monde afin d’éprouver une sorte de supplément émotionnel face au langage factuel.
3- Au fil du texte on peut faire relever aux jeunes lecteur·rices des marques d’intertextualité. Ce qui est intéressant à travers ce relevé c’est la dimension de « jeu » avec laquelle l’auteur convoque des références, des citations. On peut ici pleinement appréhender la construction pleine de second degré et d’humour mise en place par l’auteur.
On peut proposer aux jeunes comme un jeu de piste, de relever les noms d’auteur·rices et les citations disséminées dans le texte. Puis repérer les formes ludiques mises en place par l’auteur : jeu entre Andris et Lucienne, qui est récompensée par une pièce quand elle trouve la bonne réponse (p. 31, p. 36...) et en donner une lorsqu’elle se trompe (p. 71), jeu avec des noms d’auteurs (p. 63 avec Lamartine ou p. 99 avec Apollinaire).
Le personnage d’Andris se présente comme celui qui détient une connaissance (scène 7 par exemple) face aux deux autres jeunes personnages à qui il faut enseigner un savoir. Mais Andris est également décrit comme « perdant la tête » et l’on peut repérer également que son instruction présente des limites : p. 77 avec les fausses informations données sur Shakespeare, ou encore pages 72 à 77, avec ses informations socio-géographiques très douteuses.
- Avec l’arrivée de La voix du père, scène 9, on peut relever une référence au motif de la baleine comme passeur initiatique, présent dans la littérature et les mythes (Pinocchio, Jonas, Sinbad…).
- La référence à Adam et Eve et au fruit défendu, là encore comme un jeu de mise en garde dans l’amour naissant de Lucienne et de Gaspard, p. 110 :
LUCIENNE.- Sais pas pourquoi mais le sens pas trop, le coup de la pomme.