On relèvera dans ce texte dramatique des mélanges de genre (ou hybridité) au niveau de sa structure, sur lesquels il est intéressant de travailler et de sensibiliser les élèves. On peut en classe de seconde faire connaître les caractéristiques du genre théâtral en étudiant les spécificités du classicisme tout en ouvrant sur un corpus contemporain (B.O. spécial n° 9 du 30/09/2010 sur les objets d’étude), mettre en regard et confronter les fonctions de la tragédie et Livère et enrichir un corpus sur le conflit familial comme élément d’une pièce de théâtre.
Après avoir fait un point clair avec les élèves sur les dialogues et les didascalies (Didascalies/Dialogue/Voix didascaliques), on peut repérer différentes voix dans le texte. En feuilletant le livre, les élèves peuvent visualiser rapidement le texte en italique, qui relève communément de la didascalie. Pour autant, il leur faudra bien différencier les didascalies de régie (fonctionnelles) des didascalies fictionnelles.
On peut se poser d’autres questions enrichissantes sur la structure particulière de ce texte. Prenons par exemple les premières phrases en italique de la page 9 :
Il est intéressant pour prolonger ce travail de voir avec les élèves les principes de la double énonciation (Adresse et Double énonciation).
On remarquera qu’à partir de la page 16, le récit de Moi s’interrompt un temps au profit de l’action et de dialogues directs (principalement entre Moi et Livère) pour reprendre sur la fin. Les dialogues semblent enchâssés dans le récit de Moi.
En regardant la page 6 (liste des personnages) demander aux élèves ce qu’ils relèvent. Pourquoi La voix de la mère et La voix du père ne sont-ils pas mentionnés ? Si ces personnages ne sont qu’une voix, cela a-t-il une incidence sur leur statut ? Sont-ils au second plan pour le lecteur ? Peut-on les imaginer physiquement à la lecture ?
On peut se pencher et se questionner sur le choix de l’auteur du dernier mot de la pièce (p.56) : « personne ».
Moi.- (rayonnant) À personne.
Relever l’importance de ce mot au fil des pages, le jeu qu’il entretient entre présence et absence humaine, ce qu’il cherche à nommer dans la relation entre Moi et Livère ou dans le rapport d’un de ces deux personnages à lui-même : pages 8, 24, 25, 28, 49 et 51.
Pour ouvrir sur des débats argumentés ou débats philosophiques, explorer le vocabulaire :
Dans la scène entre Livère et Moi page 21 à 26, Livère invente un mot composé lexical pour qualifier le départ du père de Moi : la « vasivite ». On peut en profiter pour repérer en grammaire différents types de mots composés et cela peut donner lieu par jeu à des inventions autour du texte.
L’auteur joue également avec l’invention de mot composé et l’homophonie pour nommer, caractériser le personnage éponyme de sa pièce (c’est aussi le cas, et nous l’avons vu plus haut, d’une autre de ses pièces, Létée). Il se rapproche ici des surnoms qui désignent les personnages de contes en les caractérisant (Cendrillon par exemple). Pour apprécier ce choix de l’auteur on peut donner à relire le texte page 9 :
C’était Livère. C’était son nom. Comme l’hiver.
En suivant ce même procédé, quel pourrait être le prénom de Moi ? Le prénom des deux autres personnages ? Quel autre prénom pourrait-on donner à Livère ? Ce qui implique en amont de définir le caractère, l’impression que nous fait un personnage ou l’image qu’il renvoie. Par extension, on peut aborder la poétisation.
En s’emparant de la fin de la pièce, on peut travailler sur le genre épistolaire :
Dans un exercice d’oralisation (L’oralisation d’un texte de théâtre) et pour mieux savourer le fonctionnement et la poétique du texte, on peut demander aux élèves de lire à la suite uniquement les phrases en italiques (à l’exclusion des didascalies de régie entre parenthèses).
Prises à part, ces phrases narratives s’apparentent alors au genre du récit (témoignage, journal intime, etc.). Les pages 11 et 12 sont intéressantes pour bien en définir l’adresse (au lecteur / au public). On peut en profiter pour revoir le point de vue narratif avec des 3e.
Par ailleurs, et après avoir pris conscience des différentes voix à l’œuvre dans Livère, la lecture à voix haute de tous les éléments du texte (par toute la classe en lecture relais) peut être intéressante en demandant aux élèves de s’essayer à adapter leur lecture afin de porter au mieux les sons et le sens du texte selon le point de vue et l’adresse du texte que l’on a en charge (Adresse et Double énonciation).
La répartition du texte pourrait être faite par les élèves (La répartition du texte) en les invitant à prendre garde et à se poser des questions quant à la construction du texte pour le répartir au mieux : un lecteur par personnage qui change à chaque nouvelle scène, distribution de la parole entre deux lecteurs pour un même personnage suivant qu’il s’agisse de stichomythies, de répliques longues, du récit de Moi, etc.
Ce peut être, de plus, un travail préparatoire à une mise en voix.
Les élèves pourront explorer la langue et la singularité de ce texte au mieux à travers divers essais d’oralisation. Avant ou sans vouloir se lancer dans une mise en voix aux pupitres ou en espace (La mise en voix) tous les jeux qui déconstruisent ou se confrontent à ce texte en particulier sont bénéfiques à son appropriation.
Pour entendre les phrases différemment, s’impliquer et se départir d’un « ton » qui se voudrait figé ou obligatoire :
On peut dans un deuxième temps, reprendre ces mêmes phrases, faire un groupe de spectateur et un groupe d’orateurs. Le groupe d’orateur adresse chacun son tour sa phrase à l’ensemble des spectateurs en les regardant.