En guise de préambule à cette réflexion sur les éléments structurants du théâtre, il est possible de revenir avec les élèves sur la règle des trois unités du théâtre classique, leur expliquer de quoi il s’agit, et définir avec eux et elles les mots « scène » et « acte ». À partir de cet exposé, on peut leur poser une série de questions pour savoir si les explications que nous venons de donner s’appliquent « un peu » « beaucoup » ou « pas du tout » à la pièce de Catherine Verlaguet. Un travail à faire collectivement avec toute la classe ou par groupe de 4-5 élèves selon les effectifs.
La pièce Les Vilains Petits est-elle découpée en acte et en scène ?
Il peut s’agir ici de voir avec la classe si les jours de la semaine répondent plus à la définition d’un acte ou d’une scène et si les « Sonneries » répondent aussi à l’une ou l’autre des définitions. Comment peut-on interpréter cette structure originale ? En profiter pour interroger les élèves sur la durée de l’action, le choix de la semaine de 5 jours pour encadrer l’histoire, mais aussi sur ce que signifie, pour eux et elles, le bruit de la sonnerie dans cette pièce en les invitant notamment à s’appuyer sur leur propre expérience personnelle des sonneries d’écoles.
La règle de l’unité de lieu est-elle respectée ? Si oui, où se passe essentiellement l’action et pourquoi ce lieu-là précisément ?
Cette question sur l’unité du lieu peut être un prétexte pour réfléchir avec les enfants, en s’appuyant constamment sur des éléments de la pièce, sur ces microcosmes que sont les cours de récréation. Ce lieu où l’enfant s’échappe, pendant un temps, de l’autorité de l’adulte, propice au jeu mais aussi aux moqueries, lieu aussi de toutes les expérimentations et de tous les dangers.
Plus largement, cette question de la cour de récréation peut faire l’objet d’un écrit où les élèves livrent leurs pensées sur ce que représente cet espace dans leur imaginaire et ce que serait leur cour de récréation idéale.
La règle de l’unité de temps est-elle respectée ? Pourquoi selon vous ?
Question à mettre en lien ici avec le choix opéré par Catherine Verlaguet de découper sa pièce en jours de la semaine. On peut notamment dire que, si Les Vilains Petits ne répond pas directement à l’unité de temps, la pièce n’est néanmoins pas dépourvue d’un cadre temporel stable (la semaine de 5 jours) et que ce cadre peut tout à fait être justifié.
La règle de l’unité d’action est-elle respectée ? Pourquoi selon vous ?
Question plus complexe ici qu’on peut résoudre en disant que, en tout cas, la pièce s’ouvre sur l’arrivée de Malone à l’école et se conclut sur son renvoi et que toutes les actions et interactions entre les personnages sont faites en lien avec l’arrivée de ce personnage.
En mettant le personnage de la maîtresse de côté, la pièce est constituée de 4 personnages (si cela semble nécessaire, on peut donner ici la définition que le théâtre propose pour le mot personnage. Pour toutes définitions, il est possible de consulter le glossaire du théâtre d’André Bourrassa, disponible ici.
On peut proposer aux enfants, pour cette étude, de repérer les éléments dans le texte qui caractérisent la psyché et le physique des personnages.
Pour ce faire, il est possible de scinder les élèves en deux groupes :
Le premier s’occupera de faire le portrait physique des personnages par le biais de dessins. Il faudra cependant faire attention que chaque choix artistique fait soit appuyé par des éléments du texte. On peut notamment leur demander de citer les passages du texte qui leur permettent de justifier ces choix.
À la suite de la présentation des dessins, on peut demander aux enfants d’où provenaient les indices qui leur ont permis de dessiner les personnages ainsi : s’agissait-il de caractéristiques nommées en didascalies (on se rend très vite compte que non, que les didascalies n’ont ici pour rôle que de décrire les actions. On peut en profiter d’ailleurs pour toucher un mot sur le rôle de la didascalie dans les dramaturgies classiques et contemporaines) ou de caractéristiques nommées par les personnages ? Ces caractéristiques énoncées par les protagonistes sont-elles positives ou négatives ? Sont-elles formulées dans le but de complimenter ou de rabaisser ? Cette étude sur le physique peut constituer un point de départ pour une étude relative à la question de harcèlement verbal notamment.
Le deuxième groupe pourrait, quant à lui, chercher les indices qui permettent de dresser le portrait intérieur des personnages, toujours en leur demandant de s’appuyer sur des éléments du texte, et de faire une présentation, sous forme de colonne par exemple, de ces différents traits de personnalité d’un personnage à l’autre.
Par la suite, on peut demander aux enfants d’entourer les traits de caractère qu’ils estiment propres à ceux du vilain, mot défini plus tôt en classe, ou qui en tout cas, dans la pièce de théâtre, les pousse à avoir des actions de vilain (sentiment de rejet de Valentin, sentiment d’abandon de Maya, les fanfaronnades de Loan, etc.). Les interroger ensuite sur pourquoi avoir entouré ces traits de caractère-ci précisément. À partir de ce dernier exercice, on peut bien sûr demander, en guise de bilan de travail, qui sont les véritables vilains de l’histoire et si nous ne sommes pas tous finalement un peu des vilains (on peut aller voir à ce sujet la note d’intention de l’autrice assez éclairante quant à cette ambiguïté entre les vilains et les gentils). Selon leurs réponses, leur demander pourquoi selon eux nous agissons tous à un moment ou un autre comme des vilains.
Certaines caractéristiques des personnages peuvent permettre, si le ou la professeur·e le souhaite, d’évoquer des sujets importants mais sensibles, tels que la maltraitance à l’école, le concept de bouc émissaire, la transidentité, l’acceptation de soi-même, etc.
Ces travaux peuvent se faire en groupe mais aussi collégialement avec toute la classe ou bien de manière individuelle.
On peut lire dans plusieurs articles et sur la quatrième de couverture que la langue de Catherine Verlaguet est vive et ingénieuse. Il s’agira alors d’attirer l’attention des enfants sur ce qui rend cette langue si vive et si ingénieuse aux yeux des adultes.
Les mots de l’enfance
L’autrice semble être allée puiser son inspiration au cœur même des mots de l’enfance (« Arrêter de vous crier » p. 16, « c’est clair du robinet » p. 20, « tu vas pas en faire tout un gruyère » p. 32, etc.). Ainsi, comme Catherine Verlaguet semble s’être mise dans la peau d’un enfant pour écrire ce texte, on peut notamment demander aux enfants d’à leur tour se mettre dans la peau d’un adulte pour réécrire un passage au choix de la pièce en utilisant un autre vocabulaire et en déplaçant l’action dans un autre espace-temps. Cela peut notamment conduire à une réflexion sur les différents registres de langue (familier, soutenu et courant).
À la suite de ce travail d’invention, on peut poser une série de questions aux enfants, notamment pourquoi selon eux et elles Catherine Verlaguet utilise un registre enfantin pour écrire sa pièce ? Quel est l’effet produit sur le lecteur ou la lectrice ?
On peut aussi leur demander s’ils reconnaissent, dans ce choix de vocabulaire et d’expressions, des choses qu’ils ou elles utilisent ou qu’ils ou elles ont déjà entendu dans les cours de récréation.
Pour une étude plus précise de ce monde de l’enfance, on peut aussi envisager une étude de la scène de la p. 11 (« LOAN.– Vous serez quoi, vous, quand vous serez grands ? ») à la sonnerie de la p. 13, pour aborder des questions de vocabulaire, de registre de langue (ponctuation forte, formules abrégées, onomatopées), de grammaire (pronoms omis) et de rythme.
L’étude des images
Catherine Verlaguet jonche son texte d’images fortes, de métaphores et de comparaisons. On peut demander aux élèves, après leur avoir expliqué au préalable ce qu’était une métaphore, de relever les images les plus marquantes du texte. Voici quelques propositions :
Pour une étude des images, on peut aussi proposer une étude complète du monologue de Valentin (p. 55-56) et notamment aborder les thèmes du rejet, de la vengeance et insister sur la figure du bouc émissaire.
On peut alors ensuite interroger les enfants sur la fonction de ces images : qu’est-ce qu’elles produisent sur le lecteur ou la lectrice ? Qu’est-ce qu’elles leur évoquent ? Est-ce que ces images les aident à comprendre le sens du texte ou au contraire contribuent-elles à le rendre opaque ? On peut aussi proposer, à la suite de cette étude des images, la rédaction, à la manière de Catherine Verlaguet, d’un monologue comme celui de Valentin qui laisse une place importante aux images, métaphores et comparaisons.
La question du rythme
S’il est difficile d’étudier de manière juste et précise les questions liées aux rythmes en littérature, il peut être néanmoins pertinent de le mentionner car cela peut être signifiant pour l’interprétation du texte.
Selon les passages étudiés, on peut notamment demander aux enfants si ce passage leur semble lent ou rapide ? Qu’est-ce que ce rythme apporte à l’intrigue et comment ils et elles l’interprètent ? Quel est le rôle des didascalies dans la construction de ce rythme ? Est-ce que les adresses au public, (on peut parler ici du 4e mur) ont pour effet de ralentir ou d’accélérer le rythme ? Idem pour les monologues ? Pourquoi ? Etc.
Dans cette étude du rythme, pour faire encore plus ressortir les variations, on peut notamment faire le choix d’étudier en parallèle une scène à rythme rapide (exemple : la scène de jeu entre serviteur-roi ou la dernière scène de l’arbre, où les phrases se révèlent plus courtes et marquées par une ponctuation plus forte) avec une scène à rythme lent (les différents monologues de Loan, Valentin et Maya ou la dernière scène avec les 4 personnages face public, où les phrases sont plus riches et la ponctuation moins forte.) À partir de cette analyse, on peut alors demander s’ils ont bien perçu une différence de rythme entre les deux scènes étudiées, leur demander ce qui provoque dans le texte, selon eux et elles, ces accélérations et décélérations. En somme, il s’agit d’essayer de rendre la dimension rythmique d’un texte signifiante.