éditions Théâtrales Jeunesse

Les Enfants de Médée

de Suzanne Osten

de Per Lysander

Carnet artistique et pédagogique

Dans cette partie, nous allons analyser certaines composantes d’ouverture du texte en soi. L’objectif est de découvrir ce qui gravite autour de celui-ci et ce qui est révélateur de son fonctionnement en tant que structure dramaturgique.

Le sommaire

Il permet une vision globale de la pièce. Comment le texte se compose-t-il ? Quelle est la fonction du prologue ? Qu’est-ce qu’une scène classique ? Quelle est sa particularité par rapport aux scènes des fuites ? Il existe ici une résonance avec le théâtre classique grec et le mythe de Médée, car l’héroïne fuit à plusieurs reprises avec Jason jusqu’à ce qu’ils s’installent à Corinthe :

  • Tout d’abord de son pays natal, Colchide, après avoir trahi son père en aidant Jason à avoir la Toison d’or ;
  • Ensuite d’Iolcos, où elle est coupable de la mort de Pélias, l’usurpateur du trône du père de Jason ;
  • Et enfin, elle fuit de Corinthe, après avoir tué ses deux enfants, le roi Créon et la princesse Créuse pour se venger de Jason.
    Dans Les Enfants de Médée, il y a également trois fuites. Les enfants ici transmettent leurs malheurs en reproduisant la même histoire que leur mère, en jouant de manière métathéâtrale les conflits parentaux.

Paratexte d’ouverture

S’agit-il des indications de régie ou de fiction ? Que nous apprend-il des personnages ? Pourquoi les enfants s’appellent Petit Jason et Petite Médée et n’ont pas un véritable nom propre ? En quoi cela les renvoie à la tragédie de leur mère et de leur père ? En quoi cela les maintient prisonniers de la malédiction familiale, de leur héritage tragique ? Qu’est-ce que cette didascalie d’ouverture relève-t-elle de l’espace, du temps et de l’action ?

Comprendre la « règle des trois unités » d’Aristote (temps, espace et action). À propos du temps, on nous informe que « le jeu se déroule dans un laps de temps de vingt-quatre heures et reflète des conflits qui durent depuis des mois. » L’espace de la fiction est immuable, divisé en trois parties :

  • « le monde des adultes », évoquant l’antiquité à travers des colonnes corinthiennes ;
  • La représentation d’une chambre réaliste limite « le monde des enfants » ;
  • Une avancée dans la salle sert d’habitation à la Nourrice.
    L’action gravite autour des conflits éprouvés par les enfants face au divorce de leurs parents.

    En s’appuyant sur la didascalie initiale et la liste des personnages, il est également possible d’imaginer les costumes et de réaliser des dessins. Dans cette même démarche, les élèves pourront aussi créer des maquettes de scénographie.

Découverte du "Prologue"

Il est toujours intéressant de travailler la notion de double énonciation d’un texte théâtral. En effet, un personnage s’adresse à la fois aux autres personnages et au public. Après une lecture silencieuse du « Prologue », vous pourrez poser quelques questions aux élèves : quels personnages sont présents dans cet extrait ? On remarquera alors que les premières répliques de la page 7 n’ont pas d’indication de nom de personnage. Qui parle alors ? La parole est adressée à qui ? Nous voyons que le Chœur, par exemple, qui exerce une fonction d’épicisation, c’est-à-dire que cette voix collective réalise une narration pour contextualiser les actions de la pièce. À l’image du théâtre antique, le Chœur est une voix qui commente les actions sur scène et donne des éléments du récit. Dans cet extrait, la Nourrice aussi dirige sa parole au public, pour expliquer en mots plus simples aux enfants ce que dit le Chœur. Si l’on reprend la didascalie d’ouverture, il y est indiqué que la Nourrice est le lien entre le monde des adultes et celui des enfants de Médée.

On pourrait analyser cela dans l’extrait suivant :

"Petite Médée.– Mais un jour
Jason aperçut une princesse qui s’appelait Créuse
et il tomba éperdument amoureux d’elle.
Médée.– MAIS IL ÉTAIT DÉJÀ MARIÉ AVEC MOI !
La Nourrice.– Jason partit quand même avec Créuse
parce qu’il était si amoureux.
Chœur.– Les fleuves sacrés
Remontent vers leur source.
La justice est renversée
Ainsi que l’ordre du monde.
Les serments et promesses de fidélité
Sont rompus par les hommes perfides…
Médée pleure. Tout au long de la chanson, la nourrice traduit.
La Nourrice.– Ils engagèrent une garde d’enfants.
Chœur.– À présent règne la haine et les liens de l’amour se sont rompus.
La Nourrice.– Ils ne s’aiment plus.
Chœur.– Jason la répudie elle et ses enfants
La Nourrice.– Il est parti."

Il est pertinent aussi de réfléchir sur la forme des répliques, qui sont en vers ou en prose. Pourquoi une telle alternance ? On verra dans la suite de la pièce que Médée reste dans un rôle de tragédienne, quasiment sans diriger la parole aux enfants, comme hors du temps et de la situation.

Le texte de postface

Il est possible de faire lire le texte en postface : « Mettre des enfants sur la scène ». Exploiter la vision du théâtre pour la jeunesse défendue par Suzanne Osten et Per Lysander – qui, ici, s’inspire de la tragédie d’Euripide mais du point de vue des enfants. En ce qui concerne le langage, leur but était de « maintenir intacte la langue classique de la tragédie dans les dialogues entre les parents et d’insérer une langue plus moderne dans les scènes des enfants. » L’approche à la tragédie se fait donc grâce à la thématique du divorce et de l’abandon des enfants, qui sont submergés par l’incompréhension des conflits parentaux. Cette incompréhension est traduite par le décalage linguistique entre les parents et les enfants. Ce sont les petits qui la cherchent, sans succès, et se mettent dans la peau de Jason et de Médée dans un jeu constamment métathéâtral.