éditions Théâtrales Jeunesse

Le Journal de Grosse Patate

de Dominique Richard

Carnet artistique et pédagogique

Dans le cadre de la mise en voix complète de la pièce comme pour de simples extraits, on pourra travailler sur la différence supposée entre les fragments de journal, non dialogués et les autres fragments, dialogués.

Cela pourra se mener en appui sur un travail précis d’analyse de la langue, dans le cadre d’une réflexion sur les paroles rapportées.

Discours direct et indirect

Consignes données aux élèves : vous analyserez dans le premier fragment de Journal comment les paroles des personnages sont rapportées.
⇒ l’écriture du journal fonctionne avec du discours indirect : expliquer que…, subordination
⇒ MAIS aussi avec du discours direct :
Quand un adulte affirme : « Vous êtes des grands maintenant », ça signifie qu’on est petit. (p. 12)

Consignes données aux élèves :

  • Réécrivez le fragment en transformant le discours direct en discours indirect et comparez l’impression d’ensemble que cela donne dans les deux cas.
    On constatera que le discours direct peut contribuer à rendre la parole plus vivante, en la rapprochant de l’oral
  • Regardez dans les autres fragments de JOURNAL si l’on a autant de discours direct. Quelle conclusion en tirez-vous ?
    le discours direct peut théâtraliser la parole, ce qui atténue l’écart entre les fragments de JOURNAL et les autres. GP se fait son petit théâtre intérieur dans les fragments JOURNAL.
    MAIS on a beaucoup de fragments de JOURNAL qui sont en style indirect ou alors dans une forme intermédiaire, sans guillemets et pourtant vivante, c’est le style indirect libre.
  • Trouvez-vous du discours indirect libre (classes de collège) ?
    On en trouve, par exemple dans le fragment JOURNAL10 :

La maîtresse aujourd’hui était très en colère. Elle a hurlé : si on l’embête, ça va chauffer du bois qu’elle se chauffe pour l’hiver.

Ou plus loin :

Elle a ajouté : si elle entendait une seule fois « Hou la fille » ou « Oh la grosse patate » ça pleuvrait des potirons. (p. 26)

  • On remarquera avec intérêt que dans un tel passage, à lire en entier, le discours indirect libre est associé à des remarques extrêmement drôles formulées par GP. Cela renforce encore la drôlerie en créant un effet de décalage : l’emportement de l’adulte présenté à la troisième personne, par le style indirect libre (SIL), paraît à la fois très proche et en même temps mis à distance, alors que GP est censée le prendre au premier degré.
    Avec les enfants de primaire, on pourra se limiter à un repérage de la différence entre paroles rapportées indirectement, avec subordination, et tous les autres cas, que l’on regroupera.

Dans tous les cas, la mise en voix du discours rapporté de façon directe ou en SIL permettra des effets intéressants pour la répartition des voix à l’intérieur des groupes. Reprenons l’exemple cité plus haut. Les changements de voix proposés y sont marqués par une barre oblique :

La maîtresse aujourd’hui était très en colère. / Elle a hurlé / : si on l’embête, / ça va chauffer du bois qu’elle se chauffe pour l’hiver.

Ou plus loin :

Elle a ajouté / : si elle entendait une seule fois / « Hou la fille » / ou / « Oh la grosse patate » / ça pleuvrait des potirons. (p. 26)

Mais on peut faire la même chose avec le discours indirect, aidant au passage les plus jeunes enfants à percevoir la subordination en s’amusant à suspendre la voix et le débit à l’intersection entre principale et subordonnée, pour faire attendre cette dernière :

Elle nous a expliqué que / nous étions des grands maintenant et / qu’elle était sûre qu’on allait passer une bonne année ensemble. (p. 12)

Le rythme des voix : l’exemple du premier fragment

Pour travailler sur le rythme et donc les possibilités de mise en voix à plusieurs, en petits groupes ou en classe entière, nous allons étudier ce que pourrait permettre le début de la pièce : c’est un cas intéressant puisque, constitué d’un monologue, ce texte va devenir matière à un partage de voix. Nous proposons ici une progression correspondant à un premier travail de ce genre, pour des élèves non expérimentés. L’enseignant aura pris soin de photocopier les deux premières pages du fragment 1. On peut aussi travailler sur une partie seulement de ce fragment, ou le répartir entre des sous-groupes.

**Consigne donnée aux élèves :

  • Dans un premier temps, chacun de vous va faire une lecture silencieuse personnelle en mettant des barres dans le texte là où chacun pense que la voix doit faire une pause.
    Mise en commun en petits groupes ou en classe entière selon les effectifs, ou successivement. On travaillera alors sur les pauses que sont les virgules et les points, ce que les enfants auront privilégié → L’écrit comme musique de la langue. Cela pourra donner une première étape de mise en voix aussi neutre que possible, sur la ponctuation du texte. On constatera que par endroits l’auteur a choisi une solution mais qu’il aurait pu y en avoir une autre. Exemple :

C’est très embêtant d’aimer manger, parce que même en se cachant, ça finit toujours par se voir.

On pourrait aussi avoir, selon une ponctuation plus commune, grammaticalement :

C’est très embêtant d’aimer manger parce que, même en se cachant, ça finit toujours par se voir.

  • Par petits groupes, vous allez chercher, dans un court passage, si un comédien ne pourrait pas découper le texte autrement qu’en suivant la ponctuation, car il en a le droit !
    Avant de donner cette consigne, l’enseignant peut prendre un passage et le rythmer de plusieurs façons, ainsi toujours avec le même exemple :

C’est très embêtant d’aimer manger, / parce que même en se cachant, / ça finit toujours par se voir.
C’est très embêtant d’aimer manger, parce que / même en se cachant, / ça finit toujours par se voir.
C’est / très embêtant / d’aimer manger, / parce que / même en se cachant, / ça finit toujours / par se voir.
C’est / très embêtant / d’aimer manger, parce que / même en se cachant, / ça finit toujours / par se voir.

On réessayera avec les élèves pour sentir sur ce que créent comme possibilités les troisième et quatrième découpages. Ils ouvrent en effet la voie à une forte théâtralisation : voix suspendue qui allonge le « C’est », chuchotée ou au contraire adressée de façon tonitruante, ou encore saccadée comme si c’était un robot… On cherchera avec eux les « comme si » que donne la mise en rythme : comme si c’était une petite souris, un gros ours, un aigle qui plane, etc… La piste animale est à privilégier avec les jeunes enfants, très sensibles à cet imaginaire que l’on peut aussi faire passer dans le corps, en travail de danse par exemple. On peut aussi se donner un « comme si » de matière : comme si c’était un chewing-gum, des spaghettis, une baguette ; un « comme si » élément : un nuage qui dérive, de l’eau qui goutte du robinet, de la glace, des flammes…

  • Vous nous ferez entendre ce que vous avez choisi de créer dans votre passage et nous essaierons de deviner le « comme si ».
    On peut utilement proposer à deux ou plusieurs groupes de travailler sur le même passage pour expérimenter par l’action toute l’ouverture d’un texte, ses nombreuses possibilités, sa richesse dans l’appel à la scène, au jeu du comédien…
    Mise en œuvre sur le monologue dans son ensemble, ou pour tout texte long, cette méthode permet de se surprendre dans la mise en voix du sens des textes, d’aller les chercher ailleurs que là où la tendance trop vite psychologisante les referme plutôt que de les ouvrir. La théâtralité et son inventivité recréatrice est à ce prix.
    Ce travail pourrait alors tout naturellement déboucher sur une expérimentation de jeu, en association avec des exercices de plateau en partant du « si magique » de Stanislavski.

Tableaux et séquences : le rapport à l’image

Si l’écriture de cette pièce est musicale, elle entretient aussi un fort rapport à l’image : on pourrait la mettre en équation ainsi : Musique//fragments + cinéma//séquences + peinture//tableaux. Le journal de Grosse Patate en effet pourrait facilement devenir un scénario de film ou encore se faire journal et peintures mêlées, journal et taches mêlées.

La Manivelle - François Gérard
La Manivelle - François Gérard

Consignes données aux élèves : retrouvez dans les images de spectacle vues auparavant quel passage de la pièce peut être mis en scène à ce moment-là.

⇒ On pourrait ainsi construire une sorte de jeu de reconstitution de la pièce en demandant aux élèves d’assembler une image scénique et un passage de la pièce, et de les mettre dans l’ordre de la pièce.

⇒ On pourrait aussi en théâtre-image faire construire par différents groupes d’enfants une image d’une scène et la donner à deviner aux autres, éventuellement en s’aidant des images scéniques pour les suivre ou au contraire s’en distinguer.

Cela peut s’accompagner d’un travail sur les tableaux de cette pièce, les scènes fortes en termes d’images fabriquées dans l’imagination de chacun et gardées en mémoire, que l’on peut collecter puis dessiner ou réaliser en collage, en papier mâché…

⇒ Cela pourrait déboucher sur une sorte d’album-théâtre constitué d’extraits de la pièce avec leurs images fortes.