L’exploration qui suit interviendra après la lecture personnelle de la pièce par les élèves.
Consigne donnée aux élèves : quel est le nombre des personnages effectifs dans cette pièce ?
Objectifs
Consigne donnée aux élèves : qui est vraiment l’Homme en noir, que représente-t-il ?
⇒ On recueillera les propositions des élèves, et l’on pourra ensuite leur parler de différentes interprétations de ce personnage par des mises en scène :
⇒ On pourra ainsi leur fait analyser quelques images de spectacles en leur demandant quel a été le ou les choix du metteur en scène :
Consigne donnée aux élèves : que remarquez-vous de particulier dans la façon dont est nommé son personnage ?
⇒ On remarquera tout d’abord qu’aucun prénom n’est donné à GP, l’Homme en noir l’appelle ainsi, lui aussi.
Consigne donnée aux élèves : pour quelles raisons, d’après ce que l’on peut imaginer ?
⇒ Cf p. 9 : tous ses surnoms sont listés, L’Homme en noir fait pareil que les autres, GP n’existe qu’en fonction de ce que les autres disent d’elle.
Consigne donnée aux élèves : est-ce pareil à la fin de la pièce ?
On n’a pas de réponse puisque les derniers fragments de la pièce ne permettent pas de retrouver cette situation. On aurait cependant tendance à dire non car dans le dernier fragment, on est au futur et non plus au présent ou au passé, et on peut lire ceci, qui conclut la pièce (p. 54) :
JOURNALBientôt, c’est les vacances.L’année prochaine, nous serons au collège ; on sera vraiment des grands alors.J’espère que Rosemarie, Rémi et Hubert seront avec moi et que nous pourrons encore plus amis.(…)Nous allons grandir, les secrets s’oublieront. La nuit, la pluie, le vent, les étoiles nous envelopperont doucement. On s’étonnera de se tenir par la main. Et ce sera bien.
On pourra passer ainsi un moment à commenter le sens de ce dernier fragment de JOURNAL. Mais on sent bien qu’à trop travailler sur ce seul texte final, on court le risque de l’infléchir dans un sens moralisateur, ce qu’il faudra éviter et qui ne correspond pas au fonctionnement de la pièce, comme on le reverra.
Consigne donnée aux élèves : comment voyez-vous GP, comment vous la représentez-vous ?
⇒ Ce travail d’imaginaire pourrait donner lieu à d’intéressants travaux de dessins, de découpage. On peut aussi demander aux enfants de frotter leur imaginaire à celui des metteurs en scène en leur faisant découvrir différentes représentation de GP, ainsi dans ces images de spectacle :
⇒ On remarquera que dans certaines images de spectacle, le personnage de Grosse Patate est joué par une comédienne masquée, avec un masque nez-joues pour la comédienne jouant dans la mise en scène de Jean-Jacques Mateu et un demi-masque (s’arrêtant au-dessus de la bouche) pour la mise en scène de Sylvia Bruyant. Voir la vidéo de cette dernière mise en scène, sur le site de la compagnie.
On se demandera pourquoi. On pourra aussi faire une petite excursion aux origines du théâtre grec et dans les autres formes de théâtre masqué.
Consigne donnée aux élèves : vous parcourrez l’ensemble de la pièce, ou la partie qui vous est attribuée, pour repérer quels sont les personnages évoqués mais non prévus pour être sur scène.
⇒ On trouvera ainsi dans l’ordre de leur première apparition dans le texte :
Consigne donnée aux élèves : vous attribuerez un ou des personnages à chacun des fragments, comme dans une équation mathématique, en essayant de voir quelles sont exactement leurs modes de relation avec GP et entre eux : « + » ou bien « - » ou bien enfin « = », c’est-à-dire relation interpersonnelle individuelle, en groupe, ou en fusion. Il y a aussi le « =/= » de la dispute.
⇒ Exemples travaillés avec les élèves :
JOURNAL 6 → (Rosemarie + Hubert) + GP
JOURNAL 7 →GP + Rosemarie, Hubert
JOURNAL 26 → Rémi-Rosemarie-GP + Hubert
⇒ Voilà ce que pourrait donner ce travail, qui pourra être réparti entre des groupes d’élèves, et qui permet de faire émerger le réseau de relations des personnages entre eux, comme une constellation. Les solutions présentées ici seraient à discuter, car le questionnement est subtil. Il s’agit avant tout de chercher les dominantes, non de trop rentrer dans le détail.
Consigne donnée aux élèves : que peut-on comprendre de l’évolution du personnage de Grosse Patate d’après cette table des fragments ?
⇒ En primaire, on pourra ne travailler que sur ce simple itinéraire qui permet de faire émerger assez facilement le sens de l’évolution de GP :
On observe ainsi comment Grosse Patate commence à se construire : on part de son malaise, de sa difficulté à adhérer à elle-même, à être en harmonie avec elle-même ; puis on la voit peu à peu se construire en se situant dans le groupe, en rejetant la tentation de ressembler à Narcisse ; et cela débouche sur le « nous » du dernier fragment qui lui permet d’envisager le futur, même très incertain.
⇒ Ce travail permet de faire émerger une idée très importante, à la fois pour le sens de la pièce mais aussi pour ce que la pièce pourra apporter aux enfants, ce qu’elle leur transmettra en termes de sensations : la construction de soi se fait dans le rapport aux autres, à la fois pour trouver sa place parmi eux dans le trait d’union mais aussi dans la place qui nous met à distance d’eux avec le +. C’est tout le sens de la référence à Narcisse, que l’on explorera avec les enfants, p. 46 en particulier, dans le fragment de journal 23.
Le miroir que peut être le = représente un danger. Mieux vaut être un chat, affectueux certes mais indépendant. GP ne s’aime pas encore assez pour ne pas se faire des grimaces et du coup, partant dans le monde, elle se dissout en lui : GP = Le monde, ce qui n’est pas mieux que GP = GP. Hubert est comme Narcisse, Hubert = Hubert, sauf à la fin de la pièce quand il rencontre le +.
Cette réflexion sera essentielle pour dépasser les risques, pointés plus haut, de verser avec la fin de la pièce, trop vite et mal lue, dans une sorte de morale facile : l’amitié triomphale.
⇒ L’enseignant peut se demander si cette « table des relations » n’est pas inutile et si, par sa technicité apparente, elle ne se fera pas au détriment des sensations des enfants se projetant dans les personnages.
Pour pouvoir arriver à cette sorte de schéma global des relations entre les personnages au sein de la pièce, les enfants auront eu besoin de se projeter dans les personnages pour bien comprendre l’évolution de leur relation mais, en même temps, leurs réactions intimes pourront s’exprimer par le biais d’une médiation. Or là est le sens d’un travail collectif qui ne veut pas verser dans l’excès de psychologie, quand ce n’est le psychodrame, car l’enseignant ne maîtrise pas les boites noires que sont les vies intérieures des enfants.
Enfin, cette nouvelle table des fragments permettra aux élèves de rentrer dans la fabrique du texte. On arrive ainsi à imaginer un peu comment l’auteur s’y est pris pour l’écrire : travail d’horlogerie assez précis, composition par mouvements. Cela pourra servir de base à une rencontre avec lui, le cas échéant, ou à un courrier que la classe lui fera parvenir.
En génétique, dans l’étude des manuscrits d’écrivain et des différents types d’écrivains, on fait la différence entre l’écriture à processus et l’écriture programmatique. Dominique Richard semble se situer surtout du côté de l’écriture programmatique.
Consignes d’écriture données aux élèves :
La dernière question qui se pose pour les personnages est celle de la voix didascalique.
Passages à analyser comme point de départ de la réflexion : les 3 fragments PENDULE qui mettent en jeu GP et l’homme en noir + DISCOURS A LA LUNE : GP seule comme dans le fragment 1 mais ce fragment fonctionne comme une mise en œuvre de la petite phrase du rituel « Bonne nuit, la lune ! Bonjour mes rêves… » ;
Consignes à donner aux élèves : combien de fois trouve-t-on le rituel de « Bonne nuit, la lune ! Bonjour mes rêves… » ? A quoi servent-ils ?
⇒ On les trouve p. 8, 22, 34, 41, 51, à chaque fois en fin de JOURNAL pour introduire un RÊVE.
Quel est son sens particulier dans DISCOURS À LA LUNE ?
La seule certitude concerne la différence entre la mise en voix, où il faut dire tout le texte didascalique, et la mise en scène où tout est possible : le dire, le montrer pour partie ou ne pas le dire.
« Qui parle ? À qui ? » sont des questions capitales pour le travail de mise en jeu.
Mais c’est ici une question particulière du fait de la structure de la pièce et de son écriture.
Consignes données aux élèves :
Les diverses réponses
*la question de l’adresse est au cœur de l’écriture théâtrale. On revient ainsi sur la question posée au début du travail : est-ce du théâtre ? La réponse passe par la mise en écriture de la présence fictive du public. Y compris dans les fragments JOURNAL, le public est présent en creux, même sans écriture de régie.
La réflexion précédente débouche sur une interrogation plus globale sur la nature même des personnages dans l’écriture du Journal de Grosse Patate et, au-delà, dans le théâtre de Dominique Richard.
Consignes données aux élèves :