Si on dispose d’une salle de théâtre ou au moins d’une scène avec des rideaux, on peut effectuer l’exercice de mise en voix suivant : toutes les scènes entre Jo et Abel peuvent se classer en deux catégories, les scènes d’échanges avec des marques de complicité qui sont rares et qui sont parsemés de schèmes inquiétants, et les scènes de tensions où il n’y a finalement pas d’échanges entre les deux frères puisque Jo se montre sombre et tapageur. On pourra distribuer au choix les différentes parties de la pièce en proposant une mise en voix radicale. Les scènes complices, même entachées, seront mises en voix avec deux lecteurs côte à côte. Les échanges vitupérants, soit qu’ils se trouvent dans les scènes intérieures d’Abel en écholalie si on choisit de faire apparaître Jo, soit qu’ils se profilent dans le dialogue entre les deux frères, pourront être mis en voix comme suit : on placera la voix de Jo en hors-champ et Abel au centre de l’espace. Cela obligera celui qui jouera la voix de Jo à accentuer l’acuité et la pression psychologique qu’il tente d’exercer sur Abel. La présence de Jo hors-champ renforcera l’aspect obsédant du personnage et pourra même lui donner une épaisseur fantomatique, comme une ombre au tableau dans la vie d’Abel. Il faut donc faire différents groupes de quatre personnes maximum pour interpréter les voix d’Abel et de Jo et voir là encore comment les voix se superposent, s’accrochent et se délitent. À ce titre, la séquence finale est particulièrement propice au renversement des expérimentations de mise en voix menées car à la séquence 26 où Jo essaye de se rattraper, il faudra mettre en voix non plus une complicité qui s’éteint et ou une violence qui s’intensifie en creux, par des petites phrases, des petits gestes, mais une distance totale qui se met en place entre les deux frères. À ce titre, on pourra peut-être positionner les groupes d’élèves d’un bout à l’autre de la salle pour mettre en voix les deux séquences finales 25-26, avec peut-être des Jo qui s’avanceront petit à petit sans jamais pouvoir rejoindre Abel. Si cette expérimentation se situe davantage dans l’esprit d’une mise en espace, elle permet de mettre en relief les voix en leur donnant une adresse, une portée, une épaisseur.