éditions Théâtrales Jeunesse

La Petite Danube

de Jean-Pierre Cannet

Carnet artistique et pédagogique


Carnet mis à jour en 2017.

Œuvre de référence pour les 3e/2de (sélection Éducation nationale 2013) .

[(Carnet pédagogique rédigé par Annie Quenet, professeur de français retraitée, publié en 2010, mis à jour en mars 2023.
Recherches documentaires : Marie Anglade.)]

Anna raconte son enfance, quelque part au pied des Carpates, durant la Seconde Guerre mondiale. Des convois de trains passent devant chez elle, de plus en plus de convois qui se vident un peu plus loin, au camp voisin. Autour d’elle pavoise l’armée du crime et Anna est confrontée à la lâcheté des adultes. Elle découvre une veste de pyjama à rayures dans le fond du jardin. Rencontre qui bouleverse cette fin d’enfance.
Plein d’émotion et de poésie, ce théâtre-récit est aussi un hymne à la lucidité et à la démesure de l’enfance face aux ombres de toutes les guerres.

L’auteur

Né en 1955 à Quimper, Jean-Pierre Cannet est poète, romancier, nouvelliste. Depuis quelques années, il a décidé de se consacrer à l’écriture théâtrale. Ses pièces, dans une construction dramatique toujours novatrice, font souffler sur le monde moderne et ses blessures - guerre, terrorisme, pauvreté, déracinements - une poésie universelle.

Introduction

Anna adulte raconte son enfance traversée par l’Histoire « avec sa grande H » (Georges Perec), celle de l’holocauste. Sa naissance dans la maison de garde-barrière de son père, quelque part au pied des Carpates, « au carrefour du Danube et de la voie ferrée » où, enfant, elle voit passer les trains… puis entend, puisqu’on lui interdit de voir : « La mère : Ne va pas abîmer ton enfance à regarder passer tous les gens de tous les trains de tous ces convois / Le père : La mort des autres ne nous intéresse pas. Tu ferais mieux de ranger tes yeux au fond de ton tablier. » Mais Anna ne ferme pas les yeux ; elle voit ! Avec l’acuité de l’enfance. Et elle perçoit déjà, ce qu’adulte elle jugera : la cupidité et la compromission, l’absence de tout sens moral de ses parents, rustres et lâches, toujours prêts à servir le plus fort : jusqu’à participer à la chasse à l’homme d’un déporté évadé, à aller revendre au marché les chaussures de tous les morts, récupérées la nuit, après la libération du camp. Enfant déjà, Anna a choisi l’autre voie : lorsqu‘elle découvre au fond du jardin, une veste de pyjama à rayures, elle lui donne le nom d’Arthur, lui prête vie… Et lorsqu’elle rencontre, dans la forêt, le déporté traqué par son père, torse nu, famélique, sa compassion l’emporte sur la peur : elle donne à celui-là qui répond au nom d’Arthur… la veste qu’elle était allée laver de ses souillures, dans les eaux du Danube. Qui sait si, dans « la démesure de l’enfance », sa prescience enfantine et « fantasque », à travers ses jeux, elle n’a pas deviné son nom et voulu l’aider à vivre ?

On retrouve dans La Petite Danube, texte écrit pour des adolescents, la richesse de l’univers et de l’écriture de Jean-Pierre Cannet. Le professeur ou l’animateur d’atelier découvrira ses pièces pour adultes, avec intérêt et profit pour éclairer ce texte, à travers notamment, Des manteaux avec personne dedans et Rapt paru dans 25 Petites Pièces d’auteurs (ou sa version longue Chelsea Hôtel). Un univers habité par la guerre, comme champ de la responsabilité morale, mêlant réalisme et fantastique ; une langue très présente, créatrice d’images au double sens de visions et de métaphores. Un théâtre au réalisme poétique très personnel (Jean-Pierre Cannet est aussi poète).
Par la richesse des questions posées à la mise en scène et par sa palette de jeu variée, ce texte donnera lieu à un travail très riche dans un atelier théâtre d’adolescents, sans parler de l’intérêt du sujet.

Par son thème sous-jacent : l’holocauste, son questionnement moral : la responsabilité individuelle face à la barbarie, sa forme de théâtre – récit, que l’on pourrait qualifier, dans la terminologie scolaire, d’argumentatif, par sa parenté avec le texte autobiographique, La Petite Danube a toute sa place en classe de troisième et de seconde. Le fait que le personnage central soit une enfant ne devrait pas faire obstacle à l’intérêt d’adolescents si attachés à ce qu’on ne les infantilise pas, dans la mesure où c’est une jeune adulte qui raconte et qui juge des parents au comportement vil (ce que dans leur idéalisme, les adolescents ne manquent pas de faire eux-mêmes souvent). Le texte conviendra aussi à une classe de 1ère générale, en association avec le programme d’histoire et pour son écriture littéraire forte, émaillée de nombreuses figures de rhétorique ; et également à certaines classes de lycée professionnel pour la question morale et civique qui est posée et certains travaux collectifs proposés ici, qui pourront être adaptés.

La forme de théâtre-récit linéaire permettra de l’intégrer simplement dans un corpus de lectures cursives ; la richesse thématique et dramaturgique, la qualité littéraire de l’écriture pourront aussi donner lieu à une lecture analytique et une mise en voix ou en jeu, comme à une recherche sur la question « texte et représentation ». On pourra alors puiser parmi les pistes proposées dans ce carnet, étant entendu que tout sans doute ne saurait être fait, dans le temps dont on dispose.
Dans tous les cas, il serait préférable d’aborder cette œuvre après le cours d’Histoire sur le nazisme et la déportation.