Arthur est le point d’ancrage du texte et occupe plusieurs fonctions :
Dans cette séquence 3, Arthur chemise est d’abord caché de l’Interprète sur le ventre d’Anna qui fait semblant de jouer à la femme enceinte (l’enfant n’est plus une enfant, elle ne croit plus à ses jeux).
Celui-ci parti, dans la pénombre protectrice du bois qui surplombe le Danube fleuve des purs, le paysage se fait doux (allitération en s), donne des frissons et l’on dirait presque le début d’un amour : « moi qui frissonnais » « prends-moi si tu as froid » (pas : mets-moi si…) « je ne suis encore qu’une enfant… ». Et quand Arthur s’incarne « Et il n’y a plus eu que nous deux sous un ciel vide ». Bien sûr il y a la peur mais… « Je n’ai eu la force de rien… », « Il ne voulait pas me voler Arthur, pas de force », « j’ai compris que l’homme ne me ferait pas du mal, que ce serait autre chose que de faire du mal. Alors, je me suis déshabillée d’Arthur » (pas : j’ai ôté ou enlevé). Ce geste du don, de la protection, d’Arthur chemise à Anna puis d’Anna à Arthur « devenu quelqu’un », exprime d’abord le choix d’Anna et porte la part « fantasque » du texte, mais il est aussi l’échange amoureux. Aussitôt après, séquence 4, Anna dira parlant comme une jeune veuve de 14-18 « Il a fallu continuer sans Arthur. Grandir sans lui, faire semblant d’être encore une enfant ». La barbarie sous ses yeux lui a fait quitter l’enfance, la rencontre aussi. « Mon corps prenait la place de mes rêves. Je ne rêvais pas, je ne savais plus. Arthur s’élançait hors de mes draps… Mon Dieu le reverrais-je ? »