Après avoir relu le relevé de mots sur la procession, on regardera les représentations des déportés par Beaudoin et se demandera lequel de ces trois dessins exprime le mieux l’impression produite par ce relevé. Celui-ci sera une source d’inspiration supplémentaire pour le jeu.
Le relevé des expressions suggère à l’évidence l’idée d’une marche qui n’en finit pas. Un spectacle professionnel pourrait éventuellement jouer sur la projection au sol d’images documentaires des déportés ou de formes indistinctes ou des dessins de Beaudoin ; sur le bruitage de trains qui n’en finiraient pas de passer ou sur un effet de lumière, laissant la force de suggestion au texte. La possibilité de figurer cette procession par un chœur de 20 ou 25 élèves transformera la contrainte en expressivité, pour peu que l’on trouve le mouvement choral juste et que l’on évite l’image de fantômes : « multitude de corps fluides qui semblaient ne faire plus qu’un. » Veiller aussi à ce que les adolescents soient engagés dans cette figuration chorale, qu’ils soient porteurs de mémoire, pour éviter l’expression corporelle.
Comment y parvenir ?
- visionner May B chorégraphie de Maguy Marin (Internet : Maguy Marin vidéo de 8 mn), inspirée de Beckett, qui serait une aide (et un enrichissement culturel pour des lycéens), même si le rythme et le mélange d’ironie et de pitoyable, propre à Beckett, ne correspondent pas à la dignité et à la marche lente qu’on imagine pour cette séquence. La chorégraphie de Maguy Marin a quelque chose de théâtral, dans l’idéal il faudrait que cette procession théâtrale ait quelque chose de chorégraphique. Dans le programme, à la création de May B, Jean-Paul Manganaro parle d’ailleurs « d’une parade parfaitement expressionniste »
- nourrir l’imaginaire par Les Hommes qui marchent de Giacometti ou la vidéo proposée par Youtube de Nuit et Brouillard chanté par Jean Ferrat sur des photos des camps.
En contrepoint il serait sans doute bon d’évoquer la vitalité des déportés et le théâtre comme résistance : Germaine Tillion écrivant et faisant jouer sa comédie musicale, récemment reprise avec des jeunes ; Charlotte Delbo apprenant et se récitant tout Le Misanthrope pendant les interminables appels ; l’homme de théâtre Armand Gatti évoquant de joyeuses danses de rabbins dans La Parole errante.
- mener le travail corporel proposé plus loin
Plusieurs questions se poseront sur cette procession :
- Le moment de l’apparition sur scène. On fera remarquer la force du pronom anticipateur : « on les voyait… ils allaient » (procédé déjà employé p. 19 et 32 à l’apparition d’Arthur chemise puis homme) qui retardent encore le suspense sur ce que voient les parents. Pour autant on devra tenir compte du fait qu’au théâtre l’action précède le texte, pour qu’elle ait toute sa force.
- Le nombre d’acteurs, le rythme et la durée de la marche des parents, puis de la procession, par rapport aux dimensions de l’espace, puisque l’engloutissement doit se faire à vue.
- Annexe : comment mettre en scène la partie qui précède ? Faut-il montrer, les parents allant au marché sur le chemin de halage ? Le resserrement du temps et l’imparfait d’habitude dans l’évocation de la vente des chaussures ne vont pas dans ce sens. Et cela ne va-t-il pas casser l’image de la remontée du fleuve et la procession ? Les chaussures, objet signifiant alors que les objets sont très rares dans La Petite Danube, doivent-elles être là ? De même, faut-il mettre en scène ou suggérer l’arrivée du Pope qui engage le cérémonial baignant toute la scène ? Imaginer que certains qui joueront la procession des morts puissent figurer de dos le peuple à l’écoute du Pope ? Comment le situer par rapport au placement des parents et de « la procession » des morts ?