éditions Théâtrales Jeunesse

Jojo au bord du monde

de Stéphane Jaubertie

Carnet artistique et pédagogique

L’étude de la scène d’exposition peut débuter par la lecture orale de la didascalie puis nous procéderons par un questionnement dont les réponses permettront de dégager des critères d’analyse pour tout début de texte de théâtre.

L’étude de la scène de dénouement peut s’effectuer de manière identique. On pourra en conclusion avec les élèves faire apparaître les ressemblances et les différences entre ces deux types d’écriture et établir l’intérêt respectif de chaque type de scène.

Questionnement : quelles sont les informations fournies ? Quels sont les éléments positifs, négatifs ? Quel(s) champ(s) lexical/aux se dégage(nt) ? Quels enjeux ou thématiques se dessinent ?

La scène 1 débute par une didascalie : « Une rue déserte, inondée de soleil. Jojo est là, seul, assis sur un ballon dégonflé. Brille son blouson rouge. Apparaît Anita. Dans un fauteuil roulant suit Jilette. »

Quand tout commence par le silence :

  • Les élèves repèrent très vite la solitude du personnage : « Jojo est seul ». N’a-t-il pas d’ami pour jouer ? S’est-il disputé avec ses camarades ? Est-ce une solitude volontaire ? Peut-être que Jojo n’apprécie pas la compagnie des autres. Est-ce une solitude subie ?
  • « Jojo est là » : c’est une présence solitaire qui habite l’espace, présence qu’on ne peut manquer.
  • Il se trouve à l’extérieur, dans la rue. Cela pose-t-il problème ? Cette « rue est déserte ». Est-ce normal ? Elle est « inondée de soleil », signe d’un temps magnifique ou de la belle saison.
  • Il est « assis son ballon », inactif. Le match est-il fini ? Ses copains sont-ils partis ?
    Son ballon est « dégonflé » : terme négatif. A-t-il perdu le match ? Est-ce métaphorique de l’état psychologique de Jojo ? Il semble perdu dans ses pensées et aucun désir, aucun projet ne le mobilise.
  • Il porte un blouson rouge : couleur vive et gaie qui contraste/attire par son éclat. Établir les connotations positives de cette couleur.
  • Deux personnages entrent dans l’univers de Jojo ; d’abord une jeune femme Anita dont on ne sait d’où elle surgit. Elle est suivie de Jilette, qui doit souffrir d’un problème physique, d’un handicap puisqu’elle se déplace en fauteuil roulant. Elles surviennent comme par magie.

Bilan

Cette première didascalie nous indique clairement que Jojo est silencieux, perdu dans ses pensées, solitaire avec pour seul compagnon, son ballon dégonflé. Il est vêtu de son blouson rouge, seul éclat de vie, de couleur dans une vie qui apparaît morne, calme. Il est dérangé par deux personnes qui font irruption dans son univers. La scène est réaliste.

La scène 8 débute par une didascalie : « Dans la rue de Jojo, c’est la nuit. Anita attend. Il arrive. »
Quand tout s’achève :

  • La scène se termine « dans la rue de Jojo » et « la nuit » est tombée.
  • « Anita attend » : un seul personnage est présent sur scène. Elle compte sur la venue de quelque chose ou de quelqu’un.
  • « Il arrive » : pronom personnel masculin qui précise qu’Anita attend quelqu’un dont l’identité est connue puisque l’auteur utilise un pronom personnel défini.

Bilan

  • le lecteur / spectateur revient en terrain connu : c’est le même lieu qu’au départ, lieu qui n’est plus qualifié de désert. Il n’est plus anonyme, grâce à un complément du nom qui précise l’appartenance de cette rue attribuée à Jojo.
  • Une journée s’est écoulée : l’aventure de Jojo s’est déroulée sur la journée, du moment où le soleil est éclatant jusqu’à sa disparition/son coucher. Unité de temps.
  • On retrouve deux des personnages de la scène 1 : Anita est déjà présente sur scène et Jojo arrive à l’instant même. Jilette est absente.
  • Le silence domine le début de la scène, aucun bruit ne caractérise la scène qui est réaliste.
  • D’immobile et sans projet dans la situation initiale, Jojo revient dans sa rue après une journée d’escapade. Jojo est passé à l’action, il est parti à l’aventure. Anita est solitaire dans cette scène de dénouement alors qu’au départ, elle était accompagnée de sa mère. Elle n’est plus dans l’action, elle est immobile avec pour seul projet l’attente. Ce qui nous rappelle la situation de Jojo au début de la pièce. La scène d’exposition et la scène de dénouement apparaissent en inversion totale : jour/nuit. Anita/Jojo. immobile/actif.

De la difficulté à dire, à parler : scènes 1 et 8

Après un temps de découverte individuelle de la scène, des élèves proposeront une lecture à voix haute de cet extrait. Une série de questions sera proposée après un échange collectif autour des impressions de lecture des élèves :
Qui parle en premier ? Quel est son but ?
Quel effet cette prise de parole provoque-t-elle chez l’interlocuteur ?
Comment se poursuit cet échange ?

Éléments de réponses :

C’est Anita qui prend la parole en premier, rompant le silence de cette scène : venue dont ne sait où, elle surgit et prononce une formule magique « abracadabri… » plaçant résolument la situation soit du côté de la moquerie, du jeu, de l’absurde, ou soit du côté merveilleux.
Sa formule se veut poétique : présence de rimes mais l’ensemble reste très maladroit, rimes pauvres, vocabulaire simple, banal, des mots élidés et le tout s’achève par la chute d’Anita qui prononce alors une interjection familière, une grossièreté qui détruit / ruine sa tentative poétique.
Jojo lui répond et Anita saisit cette opportunité pour enchaîner la conversation. Elle se présente et confirme son état de fée. « Anita la bonne fée. », condition héritée de sa mère.

On peut solliciter les élèves en leur demandant de rechercher toutes les preuves du merveilleux dans cet échange, toutes les preuves qui vont convaincre Jojo qu’il n’est victime ni d’un canular ni d’une hallucination. On peut aussi les faire réfléchir sur le rôle du merveilleux aujourd’hui, sur les motivations de S. Jaubertie dans l’emprunt de ces figures et de ce registre.

Autre travail à proposer : vérifier si d’autres scènes appartiennent soit au registre merveilleux soit au registre réaliste : les scènes dans le bar et à l’hôpital notamment avec la présence de ces personnages du conte et de la BD sont intéressantes. Est-ce que d’autres registres sont présents dans cette histoire ? On pense notamment les deux scènes dans le cœur de Jojo. Faire relever aux élèves les éléments spécifiques de chaque registre.

La réaction, la réponse de Jojo nous intéresse : jusqu’à présent silencieux, Jojo se sent obligé de rompre son silence et il prend la parole : est-ce la formule magique, premier miracle, qui le fait sortir de son mutisme ?
Certes, sa réponse n’est guère avenante « On se connaît ? », mais Jojo accède à la parole, formule ses premiers mots, premier pas encourageant. Il pose une première question et enchaîne avec une série d’interrogations : « Pour quoi me faire ? », « Et d’où ça sort ? » « Où donc ? »... Jojo est méfiant, incrédule face à cette fée qui vient de nulle part ; il n’apprécie guère cette intrusion qui perturbe sa vie, sa tranquillité, mais il accepte de discuter avec Anita, un échange s’installe entre eux deux et petit à petit, Jojo prend confiance en lui et fait confiance à cette fée, un premier lien se tisse.
On peut faire travailler les élèves sur la parole de Jojo et d’Anita, leur faire relever les écarts de langage, les marques de l’oralité. Elision, constructions erronées, langage familier, phrases tronquées, négations oubliées, l’utilisation des expressions détournées, les erreurs sur les sonorités et l’humour qui en découle …

Travail à proposer : d’autres personnages éprouvent des difficultés avec le langage ; on peut demander aux élèves de répertorier tous les problèmes de prises de parole qui jalonnent ce texte.

  • Le cas de la mémé Jilette : souffrant de la maladie d’Alzheimer, sa parole se délite, les mots lui font parfois défaut et toute la logique de ses phrases est mise en péril.
  • Le cas de Blanche neige : elle ne peut articuler un seul mot et ne prend guère la parole dans cette histoire. Page 51 : « la bouche pleine ; nbjkfhgzrqsqxwxcwllmpll ! ». Personne ne comprend ni ne sait ce qu’elle dit. Elle se retrouve dans l’impossibilité de communiquer avec autrui. Que vient faire ce personnage mystérieux dans cette histoire ?
  • Le cas de Batman : il ne parle pas et lorsqu’il prend la parole, c’est pour chanter la chanson de Léo Ferré. Il ne s’exprime qu’à travers les paroles d’un autre, nouveau mystère.
  • Le cas de Billy Juan : il se perd parfois dans un long fleuve de paroles, une logorrhée loufoque.

De l’incapacité à nommer clairement Jojo

Autre problème à faire remarquer aux élèves concernant la manière d’appeler, de désigner Jojo. Ce personnage n’est jamais appelé correctement par son surnom. Tous les personnages se trompent lorsqu’ils l’appellent, à l’exception de Jilette. Elle lui fait répéter plusieurs fois son identité, mais elle retiendra toujours son prénom sans jamais se tromper. Ce qui n’est pas le cas de tous les autres personnages. Tous s’obstinent à l’appeler autrement à commencer par Anita ; elle appelle Jojo correctement une seule fois quand elle lit la signature au bas du bon de livraison. Elle lit le prénom inscrit pensant à une erreur de la part du signataire. Une fois qu’elle a pris conscience de sa bévue, elle n’appellera plus jamais Jojo de la bonne manière. On pourrait demander aux élèves de relever toutes ces appellations différentes et d’analyser les raisons de ces erreurs et les effets produits.

De la difficulté à dire, à parler : que devient cette prise de parole dans la scène 8 ?

Éléments de réponses

  • L’initiative de la parole revient à Anita qui apostrophe Jojo : « t’as vu l’heure » ; puis elle lui pose une série de questions auxquelles Jojo répond d’abord par des monosyllabes « Désolé. » puis il devient un peu plus loquace.
  • L’échange est assez difficile au départ : plusieurs raisons en sont la cause.
  • Jojo est en retard et Anita est furieuse contre lui : relevez les différentes marques de cet état.
  • Anita est inquiète pour sa mère : relevez tout ce qui signale cette inquiétude.
  • Jojo a une mauvaise nouvelle à annoncer : comment s’y prend-il pour délivrer son message ?
  • Si on regarde l’ensemble de la prise de parole, elle est relativement équilibrée, excepté la fin qui se termine sur un échange plus long de Jojo au téléphone. Peu d’écarts sont à relever, tout rentre dans l’ordre.
  • Un personnage absent : il est au centre de cet échange et finalise le thème de la mort.
  • Anita a bien confié une mission à Jojo, elle revient le voir pour vérifier s’il s’est bien acquitté de sa tâche.

Comment évolue cette parole ? Que se dit-il ? Quels sont les enjeux ?

Scène 1 : Au cours de la première scène, Jojo fait connaissance avec Anita : lorsqu’ils discutent, de nombreuses informations sont données au lecteur/spectateur. Pour établir le(s) enjeu(x) de la pièce et dresser une fiche sur le personnage principal, on peut proposer aux élèves de repérer précisément les informations données par les deux personnages
On peut partager la classe en 3 groupes : le premier recherche tous les renseignements concernant ce que l’on dit de Jojo. Un deuxième groupe prend en charge ce que Jojo dit de lui. Et le troisième groupe notera toutes les informations concernant l’action ou la parole action de Jojo et permettant de dessiner son caractère, de dessiner son personnage et d’esquisser la structure de la pièce.

Scène 8 : proposer aux élèves une lecture à voix haute de la totalité de la scène et leur demander de répondre individuellement aux questions : en quoi cette scène est-elle un dénouement ? Comment s’achève l’action ? Que devient le personnage principal ? Qu’apporte le dénouement à la structure de l’ensemble ?

Synthèse

Les élèves proposent une définition de la scène d’exposition et expliquent comment S. Jaubertie la conçoit dans cette œuvre : Qu’est-ce qu’une scène d’exposition ? Quel est son rôle ?
Ils peuvent élaborer une première conclusion sur la notion de personnage, sur sa construction : action, qualité et langage. Qu’est-ce qu’un personnage ? Quels sont les éléments qui le caractérisent ?
Enfin, les élèves établiront les enjeux de cette première rencontre.
Puis ils complèteront ces fiches sur le personnage en précisant sa quête, son évolution et son apprentissage au regard des travaux effectués sur la scène de dénouement. Le professeur définira alors la notion de dénouement et celle de parcours initiatique ; les élèves pourront se lancer dans la lecture de l’œuvre avec pour projet d’établir, de repérer tous les moments où Jojo apprend, progresse, grandit en réalisant, accomplissant une épreuve.