Une petite rencontre avec le héros éponyme de l’œuvre s’impose et pour ce faire, partons de l’observation de la couverture.
Objectifs :
L’étude du paratexte, et de la couverture en particulier, offre aux élèves une occasion d’exercer leur sens de l’observation et leur esprit de déduction ; la couverture fournit au lecteur de nombreuses indications : elle lui permet d’élaborer des hypothèses sur le contenu de l’histoire, elle esquisse le caractère ou le statut des personnages, elle dévoile des problématiques.
Dans un premier temps, les élèves décrivent l’illustration (dénotation) : cet exercice peut se réaliser directement en complétant le tableau suivant au fur et à mesure que les réponses sont émises par les élèves. On peut demander aux élèves de préciser la place de chaque renseignement (projection de la couverture sur rétroprojecteur) ou de réaliser l’exercice en remplissant une couverture vierge où ils replaceraient toutes les informations repérées et relevées. Les élèves préciseront l’utilité que revêt chaque renseignement trouvé.
{} | Ce que je vois : je recense, dénotation |
Ce à quoi cela me fait penser. Ce que cela me suggère. Connotation |
Première de couverture | ||
Quatrième de couverture | ||
Dos | ||
Épigraphe, préface, postface |
Puis individuellement, chaque élève imaginera à quoi ces éléments relevés pourraient le faire songer (connotations).
En guise de synthèse, les élèves peuvent rédiger un petit texte à la fois informatif et descriptif pour présenter cet ouvrage en terminant par deux ou trois propositions personnelles sur l’histoire à venir. Les textes seront lus à voix haute et pourront donner lieu à une discussion ou à une reprise installant un échange entre les élèves.
Le relevé des informations laisse apparaître les éléments suivants :
Ce que l’illustration peut suggérer, ce que l’on peut en déduire : le ballon occupe une place majeure de l’espace de la couverture dans sa totalité.
Avec ses zones de bleu sombre, d’ocre et de vert, ce ballon peut représenter le globe terrestre, qui s’étend de la quatrième à la première de couverture. On peut voir se dessiner une partie de monde, des bouts de terre, un continent bordé d’un vaste océan. À la limite de ce monde imaginé, juste à la périphérie de la rotondité de la terre se trouve « le bord du monde », seconde partie du titre placée dans le vide, à l’endroit où la lumière du soleil se fait éclatante. De l’autre côté, règne l’obscurité, la nuit.
Jojo, le prénom, est inscrit sur la terre, il se situe près du bord de ce monde ainsi figuré par le ballon. Peut-être faut-il demander aux élèves de préciser ce que l’expression « au bord du monde » signifie, représente pour eux. Jojo est inscrit sur la partie éclairée, tournant le dos à l’obscurité, placé dans la lumière et le vert (à connoter).
On peut procéder à un questionnement des élèves qui peuvent imaginer les situations qui pourraient mettre Jojo au bord du monde. Et quel pourrait être l’état de Jojo s’il se retrouve ainsi au bord du vide ? (sens propre et figuré) Marginalisation ? Désespoir ?...
On peut compléter ce travail en donnant aux élèves l’expression familière, populaire « être un affreux Jojo » : quel est le sens de cette expression ? Qui pourrait prononcer cette phrase ? Dans quelle situation cette phrase pourrait-elle être prononcée ? Dans quel état, quelle émotion se trouverait cette personne ? Peut-on établir un lien entre cette expression et le titre de cette œuvre ? À justifier.
Une seconde signification peut naître de l’observation de la première de couverture ; tout en rondeur, dodu à souhait, ce ballon pourrait symboliser un ventre, un ventre de femme enceinte, prête à accoucher, promesse d’un bonheur à venir.
Jojo est le prénom qui se trouve sur ce ballon, posé sur le ventre ; il est déjà au monde. Ce prénom est posé sur une partie translucide, éclairée, illuminée d’une lumière chaude, reflet du soleil, lumière de vie. Cette interprétation amènerait la thématique de la naissance, de la venue au monde, ou encore/ou plus exactement, de la renaissance ou de la prise de distance, d’autonomie, d’indépendance par rapport à la mère : quitter la sphère maternelle, pour s’aventurer dans le monde, prendre son envol, affronter les dangers, vaincre ses peurs et grandir. Ce que Jojo fera dans ce récit initiatique, les élèves le découvriront lors de la lecture cursive de l’œuvre.
Ce ballon est fermé par un nœud qui l’empêche de se dégonfler, qui le maintient sous pression. Ce nœud serait ce qui retient Jojo au monde, ce qui soutient son existence, une sorte de point d’ancrage. Peut-être peut-on y voir aussi « le nombril du monde » et par là, imaginer que Jojo se penche sur son existence, sur son intimité grâce à une introspection, un retour sur soi.
Bilan
Jojo semble être le personnage principal, il donne son surnom à l’œuvre.
Jojo rencontrera des problèmes, ou sera en danger : la proximité du vide nous le signale. Jojo semble seul au monde, peut-être est-il désespéré ou porte-t-il un secret trop lourd ? Se profile la thématique de la solitude.
La présence de la lumière est une promesse d’un avenir meilleur, d’une résolution du problème qu’il rencontrera.
Poursuivons l’enquête autour de ce Jojo en étudiant la liste des personnages, liste longue et pour le moins curieuse et inattendue. Nous aborderons ce travail par la lecture à voix haute de cette liste et par un questionnement individuel : on peut demander aux élèves de noter d’un côté, tout ce qui peut les intriguer ou les surprendre et de l’autre tout ce qui leur apparaît normal, classique. Demander à chacun de justifier ses choix. Échange oral pour comprendre comment S. Jaubertie régit son monde théâtral.
On peut procéder également avec une série de questions. Que nous apprend cette liste sur :
Ce que les élèves peuvent relever :
Première surprise de taille : surgissement de Blanche-Neige et de Batman dans cette histoire de théâtre. Stéphane Jaubertie convoque des héros existants, il emprunte au conte le personnage de Blanche-Neige et celui de Batman à la BD.
Deuxième surprise : deux autres personnages sont nommés Dupont et Dupond ; doit-on y voir un lien avec le célèbre couple d’enquêteurs maladroits des aventures de Tintin ? Sont-ils des frères jumeaux inséparables comme les deux doigts de la main ? Des cousins ? En tous cas, ces deux personnages possèdent un prénom, ce qui les différencie des personnages d’Hergé ; l’un possède un prénom d’origine anglaise ou américaine, Brian et l’autre un prénom d’origine arabe, Sofiane. Sont-ils des descendants de ces enquêteurs ? Que viennent-ils faire dans cette histoire ?
Troisième remarque : les jeux sur les sonorités et sur les mots.
On remarque le prénom d’un personnage, Jilette qui se prononce comme la marque de rasoir. Y a-t-il un rapport avec le côté tranchant de cet objet utilitaire ou doit-on y voir l’aspect « barbant, rasoir » de la personne ainsi prénommée ? Ce prénom n’existe pas ou alors il correspond à une déformation d’un autre prénom comme Ginette ou encore Juliette, prénoms qui orienteraient l’histoire vers un tout autre registre.
Deux autres prénoms surprennent le lecteur : les frères Demal, Kéjdi et Kéjfé, deux prénoms (avec le nom de famille) qui correspondent à la transcription phonétique de deux questions, « qu’ai-je dit de mal ? » (Référence à la parole) et « qu’ai-je fait de mal ? » (Référence à l’action).
Ce qui est moins surprenant ou plus classique : Anita est un prénom féminin et assez neutre.
Billy-Juan, prénom composé qui peut faire référence à la chanson de Mickaël Jackson, chanson issue de l’album Thriller. Est-ce une référence à Dom Juan ? à Billy the Kid ?
Jojo, prénom placé en tête de la liste, semble être un surnom, un diminutif : Jojo, terme plutôt affectif. Georges, Joseph, Johnny… S’amuser avec les élèves à trouver les vrais prénoms et établir les connotations liées à ce surnom. Ainsi placé en tête de liste, personnage éponyme de l’œuvre, il apparaît comme le personnage le plus important. Les élèves découvriront dès la première scène que ce personnage s’appelle Jonas-Joachim Tabanas, et que ce surnom correspond à la première syllabe de ses deux prénoms.
Quant à l’ordre de distribution, il ne semble pas y avoir de principe organisateur apparent et aucun pacte de lecture ne peut être élaboré. La liste des personnages est laconique : les personnages ne sont pas présentés, aucune relation ne se tisse en eux et aucun rôle ne se dessine, excepté autour du personnage de Jojo, en tant que personnage principal, et des héros empruntés au conte et à la BD. Aucune intrigue ne peut être élaborée, suggérée à partir de ces renseignements ; aucun schéma actantiel ne peut être déduit.
Qui aime qui ? Qui déteste qui ? Qui est le traître ? Que recherche le héros ? Qui est son rival ? Qui sera son ami ? Quelle pourrait être l’intrigue si Blanche-Neige croisait Batman au détour d’une forêt ?
Que font tous ces personnages ensemble ? Pourquoi ce mélange de personnages ?
Tout ce que le lecteur peut repérer, c’est la présence en première position de Jojo. On peut éventuellement envisager que l’auteur les a disposés de la sorte en fonction de l’ordre d’apparition dans la fable, tout simplement. Ce que les élèves peuvent vérifier très vite en feuilletant l’ouvrage. Effectivement, la succession des personnages suit le déroulement de la pièce : à chaque prise de parole, à chaque apparition sur scène/dans la fable d’un personnage, la liste se complète.
On peut expliquer qu’il en est ainsi dans le théâtre contemporain (par rapport à une liste de personnages classiques - tragédie/comédie).
Quelles sont les conséquences de cette disposition des noms de personnages ?
Activité : on pourrait demander aux élèves de compléter, de préciser cette liste des personnages par des adjectifs (caractère, physique), des relations (sociales, familiales) et des fonctions et cela au fur et à mesure de l’évolution de la lecture cursive.