Carnet artistique et pédagogique
Dès la lettre n° 1 bis, Angèle écrit qu’elle ne souhaite pas envoyer sa photo à Émile et que ce dernier n’a qu’à l’imaginer. Un passage intéressant qui met en exergue l’un des principaux thèmes développés dans la pièce : l’imagination. Pour lancer l’étude de ce thème dans la pièce, on peut faire en classe un brainstorming autour du mot “imagination” et, à la suite d’une étude plus poussée de la pièce, revenir à ce brainstorming et voir comment cette étude a enrichi leur réflexion.
Cette exploration du thème de l’imagination peut commencer par une étude des procédés descriptifs, utilisés par les deux protagonistes.
On peut notamment attirer l’attention des élèves sur le fax #4, aux pages 29-30 ou le fax # 10 aux pages 38 et 39 qui ont la particularité d’être entièrement descriptifs. On peut ainsi proposer une étude comparative des deux fax afin de relever les différences et convergences de ces deux descriptions et peut-être repérer des éléments qui pourraient être propres à toutes descriptions.
Dans un autre ordre d’idée, on peut aussi interroger les élèves sur l’effet produit, selon eux et elles, sur le lecteur par ce genre de description. Quel est l’effet produit par la longue énumération des commerces de la rue Laurier à la p. 29 ? Imagine-t-il une grande ou une petite rue ? Animée ou calme ? Quelle fonction peut-on accorder aux répétitions successives des “on traverse la rue” ? D’autre part, avec le fax #10, on peut leur demander quelle est l’ambiance qui règne dans ce bar. Serait-il en mesure d’en faire une description physique précise ? Etc.
Il peut, à la suite de ces analyses, être proposé aux enfants un écrit d’invention où ils doivent décrire un lieu qu’ils et elles affectionnent tout particulièrement afin de faire à leur tour l’expérience de la description.
À plusieurs reprises dans la pièce, les deux protagonistes suscitent l’imagination de leur interlocuteur ou interlocutrice autrement que par des mots :
L’exemple le plus frappant de cela étant la lettre #6 d’Émile. C’est dans celle-ci qu’il envoie une cassette audio à Angèle afin de lui faire découvrir, par des sons, le lieu où il habite. Ce qui confère une dimension ludique à cette visite. À la suite de la lecture de la scène, on peut à nouveau poser plusieurs questions aux enfants, notamment en réponse à une première étude sur la description, pour savoir ce que selon eux et elles cette visite sonore permet de transcrire qu’une simple description ne permettrait pas. Et inversement quelles sont les limites d’une telle visite guidée ?
Pour répondre à ces questions, ils peuvent d’ailleurs s’appuyer sur la réponse d’Angèle qui écrit notamment “j’écoute ta cassette en faisant mes devoirs, je m’invente mes images, je voyage.” (p. 21) et exprime l’idée qu’à partir des sons entendus elle pourrait dessiner le violon de la sœur imaginaire d’Émile. Cette étude autour des sons peut aussi permettre d’évoquer le procédé de l’onomatopée, utilisé au fax #2.
Par ailleurs, on peut également reproduire avec les enfants cet exercice autour des sons en leur proposant, par exemple, d’enregistrer les sons de leurs maisons pour les faire écouter en classe ensuite ou alors, par petit groupe, de faire une description audio de leur établissement scolaire (on peut notamment enregistrer les sons de la cour, des couloirs, du réfectoire, du gymnase, des salles de classe, des salles de permanence, des foyers etc.) et leur demander en quoi cet exercice leur permet-il de découvrir d’une autre façon les lieux de leur quotidien.
Au fax #4, à la toute fin, Émile dit dessiner une pomme d’amour et invite Angèle à la croquer pour qu’elle sache le goût que cette dernière a. À nouveau, il invite son interlocutrice à ouvrir ses sens et à la suite de ce passage, on peut éventuellement sortir un peu de la pièce et discuter avec les enfants, du pouvoir du dessin sur l’imaginaire, de sa capacité à éveiller les sens et à les épanouir.
Assez régulièrement dans ses correspondances, Angèle écrit d’une manière imagée, comme nous l’avons déjà vu à la lettre # 5, mais aussi comme on peut le voir, de manière plus humoristique, à la p. 40 (fax n° 11) lorsqu’elle évoque le grand-père qui rêve d’avion pour signifier qu’il ronfle fort. On peut ainsi proposer aux enfants de partir à la recherche de ces images qui jalonnent l’ensemble de la pièce et de leur demander en quoi ces images permettent-elles de faire travailler l’imaginaire de l’interlocuteur mais aussi celle du lecteur. Un moyen d’aborder les notions de métaphore et de comparaison.
Si l’on souhaite mener une réflexion un peu plus poussée, on peut, sous forme d’un débat par exemple et en s’appuyant toujours sur des exemples tirés de la pièce, demander en classe comment les mots font pour évoquer des images, des sons, des goûts ou des sensations ?
À la suite de cette étude sur le thème de l’imaginaire, on peut leur demander, en guise de bilan, ce qui leur semble avoir été un terreau favorable au développement de l’imaginaire d’Émile et Angèle. On peut notamment insister sur la question de l’invisibilité, évoquée certaines fois dans les échanges, notamment quand il et elle correspondent par mail à la p. 51 par Émile, et demander pourquoi, selon Angèle, l’invisibilité est une condition sine qua non de l’imaginaire et s’ils et elles sont d’accord avec cela. De plus, sur la question de la mort de l’imaginaire on peut apporter une attention particulière au dernier coup de téléphone où les deux personnages semblent incapables de communiquer, malgré le fait qu’il et elle n’aient, dans le même temps, jamais été aussi proches.
À partir de ce constat, fait en classe, on peut proposer de diviser la classe en deux et de faire un débat autour des moyens de communication rapides (réseaux sociaux, SMS, appels vidéo, courriels, télégrammes etc.) et lents (courriers, pigeons voyageurs, émissaires etc.) afin de nommer les avantages et désavantages des uns et des autres. Il faudra faire attention à donner un cadre à ce débat et à ce que les élèves ne jugent pas les idées des un·e·s et des autres.