Petites Colères devant la mer d’Yves Lebeau entre en résonance avec Du Temps que les arbres parlaient. Dialogue audacieux, théâtre de l’impossible, l’auteur met en présence un petit garçon et la mer. En voici un extrait, le tout début :
La Mer. Ses vagues. L’Enfant descend au rivage.
Il lance un galet, se fait prendre par l’écume.L’Enfant — Bravo ! T’es contente ?
Tout l’pantalon trempé, maintenant. Ras-le-bol de toi…
Parce que t’es gelée, toute démontée, que tu t’permets n’importe quoi ?
Arrête, hein, t’es prévenue… D’ABORD, TU TE TAIS ! Plutôt intérêt…Pas d’milieu avec toi. Ou c’est tempête :
les paquets d’algues, les méduses et pas moyen !
Ou t’es d’huile, plate comme un mouton… Et là…
Seulement, ça t’arrive toutes les fois qu’il t’tombe une dent.
Tu t’es regardée aujourd’hui ? Verte ! Verte comme un chou vert !
Tu t’crois intéressante ? Ton écume, t’en es fière ?
Au large : blanche, impec’, O.K. Mais au fond du Golfe…
Jaunasse, pisseuse, pas ragoûtante…
’Même pas été fichue de digérer la dernière marée noire…Parce que des mers, crois pas, j’en connais !
Qu’ont les eaux bleues presque roses, claires comme l’air
— avec des coquillages gros comme des chiens, des coraux indigos -
qui frisent au bord ; pas un mot plus haut que l’autre.
Et doux le sable, chaudes les vagues, tant qu’on n’peut pas résister !
On y plonge habillé. On n’pense même pas à nager.
Si ! J’ai vu les vidéos…Côté marin, un déferlement de rire discret.
Avec toi, va, on résiste sans problème.
Envie d’me baigner ? Du tout ! En venant, j’avais un peu l’idée…
Et puis y a trop d’coups tordus entre nous…Déferlement parlé-liquide d’une vague attentive.
La Mer — Chav’ Chav’ Chav’…
L’Enfant — … La fois, à la pêche à la crevette-à-pied-au-large
où le brouillard s’est levé, que sans prévenir tu t’es mise à monter,
que j’savais plus de quel côté me tourner… Où la plage ? Où le large ?
J’ai fait flotter ma casquette… Un truc de marin.
Elle, qui m’a ramené au bord… Mais c’était moins cinq.
Et la fois, endormi sur ma serviette,
où t’es arrivée à mes pieds ?! Chaude, bien d’huile, oui…
Mais ça n’t’a pas suffit ! Après, il a fallu que tu viennes sous mon ventre…
Tant que t’as été dans mon rêve ; ça a flotté ; mais au réveil : plouf !
Plouf et glou, direct au fond, comme un caillou,
la flotte par d’ssus la tête, les algues, les méduses… Avec pas pied !
Plein d’eau j’étais… Toi à faire rire toute la plage dans mon dos.
Grave, trop grave ! C’qui fait que ça fait beaucoup,
que trop c’est trop, qu’ça n’peut plus durer et que…
La Mer : COUCHÉE !