1. Former deux cercles concentriques, le cercle intérieur lit les répliques de L’Enfant, tournant ainsi le dos à l’autre cercle lisant L’Arbre.
Consignes : changer de lecteur à chaque réplique, s’adresser à celui qui est l’autre rôle devant ou derrière soi ; veiller à respecter la ponctuation ; pour le moment, ne pas chercher à « mettre le ton », mais à faire entendre les mots et résonner la langue. Si un élève bute, il reprend calmement toute la réplique. L’enseignant, à peine en retrait des cercles, lit les didascalies et dans un 1er temps, dit « silence » à chaque fois que l’auteur a laissé un espace blanc.
Cette mise en place doit permettre d’emblée de projeter le texte et de figurer la communication d’abord difficile entre les personnages.
Avant de commencer, les élèves, yeux fermés, écoutent l’enseignant lire une première fois le sous-titre « Lundi » et la didascalie liminaire, de manière à imaginer les lieux. La deuxième fois, les cercles enchaînent la lecture de toute la séquence.
Il pourra être utile de procéder à une deuxième lecture (chaque lecteur relit les répliques déjà lues). Dans ce cas, les cercles seront tournés vers l’extérieur, les arbres se retrouvant de dos par rapport aux enfants, le dominant devenant dominé (voir analyse ci-dessous).
2. Bilan de la lecture : point entre le texte « rêvé » avant lecture et le texte « réel » en s’attachant aux informations et aux faits (pas aux sentiments ou caractères.
- Situation : une rencontre, L’Enfant vient trouver L’Arbre pour la première fois, « pour parler » ou « faire parler ». Ils parlent. L’enfant se sauve.
- Informations essentielles sur L’Enfant (très peu, son âge et le fait que sa mère et lui ne se parlent plus) et sur L’Arbre (beaucoup) à faire retrouver.
3. Troisième lecture visant cette fois à mettre en évidence le fonctionnement des questions/réponses, révélateur des relations et caractères (ce que l’on précise au groupe).
- Préparation
On aura préalablement découpé le texte en 15 sous séquences correspondant au rythme du dialogue, marqué par les espaces blancs et les didascalies.
On forme X duos Arbre/ Enfant qui, assis par terre ou à la table, préparent la lecture d’une sous séquence (ou deux successives) (On confiera la page 19 à deux élèves plutôt épanouis.)
- Présentation de la lecture collective
En trois temps : sous séquences 1 à 6 ; 7 à 12 ;13 à 15.
Les élèves lecteurs se placent en deux lignes éloignées l’une de l’autre au maximum, les duos se faisant face.
Les spectateurs écoutent livres fermés ; l’enseignant, placé en lien entre lecteurs et spectateurs, continue à dire didascalies et « silence ».
Consigne : à chaque fois qu’une réplique se termine par une question, on avance d’un pas comme si on allait à l’écoute de la réponse.
4. Constats et analyses, après chaque partie lue : (on donnera d’abord la parole à ceux qui ont lu)
Sous-séquences 1 à 7 : beaucoup de questions, avec légère domination de L’Arbre sur L’Enfant.
On amènera les élèves à prendre conscience que lorsqu’on pose une question, on va vers et on a l’initiative du dialogue, on domine ou au moins dirige la relation.
Ici les nombreuses questions, habituelles dans une première prise de connaissance, n’expriment pas essentiellement un mouvement vers, une volonté de connaître, mais plutôt un conflit.
Par un réexamen de chaque question, on constatera que d’abord, les phrases interrogatives n’attendent pas de réponses (suivant le niveau de classe on nommera ou non la question oratoire, rhétorique etc.) Pour L’Arbre : elles équivalent souvent à des reproches ou valent injonction « Le coup de pied, là ? » ou, comme le fait un professeur, suscitent la réflexion, le raisonnement de L’Enfant.
On analysera à cette occasion, les deux réponses de L’Enfant (« Je suis moi » à la fois sur affirmation de soi et esquive) (« Parler, oui » : un abîme dans ce simple « oui » ; les reproches de L’Arbre et la volonté de puissance de L’Enfant, semblent se résoudre dans un aveu du bout des lèvres : oui je suis venu parler, litote d’un : j’ai besoin de toi.)
Si l’on ajoute à ce constat sur l’emploi particulier de l’interrogative, la brièveté des répliques et le fonctionnement en « bouclage serré » (lien de sens renforcé par la reprise de mots d’une réplique sur l’autre, pour refuser, contester), on pourra comparer ce début de pièce et de séquence à un duel, les personnages « se frottent », se cherchent. La rencontre est difficile.
La respiration viendra du « Mouvement d’air » qui détourne le dialogue sur la vie du chêne et amène L’Enfant à s’y intéresser (p. 10) par de vraies questions. Mais dès que le dialogue glisse sur lui, à nouveau il sort ses griffes (autour « d’unique » double sens positif et négatif à commenter). On retrouvera ce couple apaisement, mouvement vers/agressivité, repli, à de nombreuses reprises.
Cette partie se termine par « te faire parler » qui, après les deux phrases clés « parler, oui », « tu ne m’appelles pas » bouclant d’autres sous séquences, confirme que l’enfant cherche un compagnon mais qu’il refuse la confidence.
Sous-séquences 8 à 12 :Les avancées après questions des lecteurs enfants dominent. L’Enfant s’intéresse, va vers, s’ouvre à l’Histoire de L’Arbre, c’est même lui qui relance la conversation après chaque silence, par une nouvelle question. Mais, ce n’est pas seulement en botaniste qu’il s’intéresse à l’arbre, il veut savoir comment on naît, on vit, on meurt. L’Arbre répond volontiers : le dialogue s’apaise et devient conversation (Au passage, on s’interrogera sur ce que supposent ces silences « écrits » par l’auteur sur le plan de la relation, et pour le rythme et le jeu).
Pourtant après relecture du haut de la page 17 et de la longue réplique de l’enfant p. 18, on remarquera que le dialogue à nouveau devient heurté à l’évocation de la mort (répliques très courtes et voyelles sonores sur le modèle de la 1re page) puis agressif. Pourquoi ? L’Arbre lui-même s’en étonne. Il n’avait plus posé de questions, il en pose deux, après avoir mis l’Enfant devant son mensonge. Et aussitôt, à nouveau, L’Enfant veut fuir la réponse.
Sous-séquences 13 à 15 : c’est maintenant L’Arbre qui questionne, pousse L’Enfant à enfin se livrer un peu, par une cascade de questions.
On apprend que sa mère ne s’occupe pas bien de lui, ne s’occupe que d’elle d’une manière bizarre, qu’ils ne se parlent pas, s’ennuient, Alors L’Arbre apporte une image rassurante : lui ne s’ennuie pas et a résisté aux coups durs de la vie, s’est défendu. Il met aussi L’Enfant devant ses responsabilités.
La scène se clôt sur une fuite de L’Enfant devant ce discours et un refus que L’Arbre l’appelle « Fils ». La relation qui s’était nouée, est à nouveau difficile.
Bilan de la situation :
L’Enfant est venu pour parler (p. 9) mais refuse de parler de lui, il précise qu’il veut plutôt « faire parler » (p. 14) : de quoi ? De comment naît un chêne, comment il grandit ? Pourquoi fuit-il les questions alors que L’Arbre l’a vu venir vers lui « et ça avait l’air important, ça avait l’air pressé » ? De quoi voulait-il parler ?
Prolongements possibles :
- étude raisonnée de la langue, grammaire : à partir de questions réponses du texte, cours sur les formes de la phrase interrogative et ses fonctions ;
- écriture à deux d’une dizaine de répliques d’un début de scène : on proposera une ou plusieurs situations, proches du texte et permettant de jouer sur les questions réponses ;
- à la maison, essai de mise en jeu avec le livre d’un passage, qui traduise cette analyse dramaturgique.
Lecture de la séquence « Mardi » :
Face aux auditeurs à leur table, livre fermé : un élève bon lecteur pour les didascalies, l’enseignant pour L’Arbre (objectifs : assurer le rythme et figurer la solidité de L’Arbre – adulte, quand L’Enfant confie vouloir ne plus vivre) et 12 élèves pour L’Enfant (correspondant aux douze sous séquences marquées par les didascalies ou les espaces blancs, parfois en haut ou bas de page).
Consignes : respecter les rythmes donnés par les silences (l’enseignant ne les indiquera plus) et par la ponctuation, virgules et points.
L’Enfant farouche
Informations : S-1 on savait beaucoup de choses sur la vie de L’Arbre, presque rien sur celle de L’Enfant. Inventaire de ce qui a été appris.
Évolution des relations : Réinvestissement ou simple rappel de l’enseignant sur le jeu des questions/réponses par rapport à la séquence 1 : cette fois L’Enfant prend l’initiative de questions, non plus sur le chêne mais sur lui-même : il cherche ses origines tout au long de la séquence. L’Arbre ne se fâche plus, L’Enfant accepte de répondre à toutes ses questions, même les plus personnelles et se confie, osant dire ce qu’il n’avait pas pu dire (p. 26-27 noter la reprise des deux premières répliques du texte, qui laisse penser qu’il était bien venu pour ça, sans pouvoir le dire) : il veut disparaître.
On pourra alors faire relire les didascalies de la p. 26 à 30 pour mesurer que L’Enfant passe de la tension (celle qu’il avait déjà dans la S1 dans l’attitude, le regard, la parole) à la détente (se confier, être écouté et pris au sérieux, lui qu’on ne voit pas, n’entend pas chez lui) enfin à l’apaisement après le récit de L’Arbre sur sa mère (alors il s’appuie contre l’arbre comme l’avait fait sa mère et se blottit dans sa chaleur « C’est chaud dans mon dos » « Respire, fils, installe-toi ») Ce n’est qu’à l’évocation du blouson qu’à nouveau L’Enfant se tend et « détale », rompt l’accord. Cette fois, qu’est-ce qui se cache autour ou dans ce blouson qui le fait fuir ? (Mystère qui relance l’appétit de lecture).
Farouche, chat écorché, « caïd » selon le mot de L’Arbre, buté ainsi apparaît L’Enfant dans ces deux séquences.
À noter : cette importance des oppositions tension / détente, blocage / respiration, emblématiques du texte (voir début de Lecture Mise en espace)
Prolongement en vocabulaire : début de relevé des verbes et locutions verbales d’attitudes et de mouvements, très riches (dans didascalies et dialogue).
L’Arbre pour L’Enfant ? Un sage.
Au début des années 1980, Yves Lebeau écrivait Homme avec femme, arbre et enfant paru dans la collection « Répertoire contemporain » de Théâtrales, texte créé par La Comédie Française en 1983. Déjà un couple au bord de la rupture, déjà L’Enfant, là une fille, témoin de ce déchirement et qui va chercher l’apaisement, le bonheur sensuel, auprès d’un arbre en fleurs, dont elle tire une branche pour la faire entrer par la lucarne de sa chambre. Le drame se joue dans le huis clos de l’appartement, l’Arbre est à l’extérieur / intérieur comme un appel d’air.
Si l’on abordait Du temps que les arbres parlaient en 3e ou 2de, il serait intéressant (cela pourrait même être la porte d’entrée) d’étudier comment l’auteur, reprenant la même situation de base mais s’adressant à des enfants, recentre le texte sur L’Enfant, met à distance le drame (drame repoussé au loin dans la petite maison au bout de la plaine) situe l’action au début du printemps, dans un paysage ouvert, porteur de la germination de la vie et fait de L’Arbre un personnage sauveur.
Pour des plus jeunes, on se contentera de faire allusion à ce premier texte (encore que les passages p. 70-72 et 79-81 (de l’édition de 1983) porteurs de l’élan vital de la petite pourraient leur être lus). Pour introduire la question : pourquoi cette idée récurrente d’Yves Lebeau qu’un enfant puisse aller chercher de l’aide auprès d’un arbre ? Dans ce texte-ci, que représente L’Arbre pour L’Enfant ?
Par petits groupes ou en grand groupe, on amènera les élèves à définir les rôles que L’Arbre joue pour L’Enfant dans ces deux premières séquences, en s’appuyant sur des moments ou des citations (on pourrait aussi proposer un tableau de citations à renseigner par les substantifs suivants) :
- un compagnon, un ami : avec qui L’Enfant peut parler, qui chasse l’ennui.
- un témoin du passé familial, un grand-père qui dit d’où l’on vient, donne les racines, sources de vie (racines de l’arbre ; racines familiales ; arbre généalogique ; racine d’un mot) p. 22-23 ;
- un confident ;
- un soutien protecteur (fin de la séquence 2) ;
- un modèle, un guide, un sage qui apprend la vie.
À cette étape du texte, ce dernier item sera sans doute plus difficile à appréhender. On demandera de relever, dans des passages indiqués, les phrases de sagesse qui font dire à L’Enfant p. 16 : « T’en connais des expressions ! ». On les valorisera en les affichant dans la classe, on y reviendra à l’occasion, pour montrer qu’elles répondent à certaines souffrances de L’Enfant et pour de petits moments d’échange philosophique :
« C’est comme c’est / On est tous le nain de quelqu’un et le géant d’un autre / Voilà. Il y a un ordre. Un ordre à tout / C’est pas si mal, le hasard. On n’a pas à chercher de quel pied se lever, sur quel pied danser / On meurt, on meurt, y a pas de quoi en faire un plat. »
Ce qui pourrait se résumer par le jugement de L’Enfant p. 15 « T’es végétatif », ce qui ne veut pas dire insensible, dur comme du bois… Lorsque les étourneaux viennent l’agacer, il est capable de colère ; p. 20, lorsqu’il a souffert de la hache des hommes : « L’Arbre : () J’ai encore la cicatrice là où y a une boule, tu peux toucher. / L’Enfant : C’est creux derrière ? / L’Arbre : T’as qu’à croire, c’est dur comme l’acier ! » Parabole de l’endurcissement par les épreuves, leçon de vie pour L’Enfant. Un sage pourrait être donneur de leçon, ennuyeux, froid, lui ne l’est pas : il est bougon, moqueur, a le verbe haut (« Vos gueules les piafs, on s’entend plus ! / T’as vu la merveille, vise un peu la majesté ! Ce qui fait que ton « Arbre, oh ! » / Avec tes manières de petit caïd » etc.), chaleureux et poète à ses heures quand il parle du vent p. 10.
Ceci évidemment sera important pour la Mise en voix ou en jeu de ce personnage. Si l’on ne va pas jusque-là, on conclura ce portrait par la question de sa représentation : choix du comédien (physique et voix), du costume, et si l’on imagine une figuration scénique, dimension, matière, etc. (voir plus loin L’Arbre anthropomorphisme et mythologie et Mise en jeu Figurer L’Arbre)