À la fin des deux premières journées « l’exposition » est terminée, l’enjeu du texte est posé : L’Enfant veut disparaître, il est venu demander de l’aide à L’Arbre qui semble pouvoir l’apaiser. Réussira-t-il à le faire changer d’idée, à l’ouvrir à la vie ?
Maintenant on peut, on doit (voir plus haut : Modes de lecture) traverser le texte d’une traite jusqu’à la fin, en lui consacrant une séquence de deux heures. Pour donner à cette lecture un caractère exceptionnel, et « mettre le texte debout », on cassera les conditions habituelles de la classe : espace dégagé des tables.
Avant de commencer la lecture de l’ensemble, on communiquera à toute la classe, la séquence, dans laquelle chacun lira, et son « rôle », imposé ou choisi. On énoncera toutes les consignes précises avant chaque séquence. Quand ils ne sont pas lecteurs, les élèves écoutent, livre fermé, bien installés en spectateurs.
- Séquences « Mercredi » et « Jeudi » qui s’enchaînent dans une même tonalité : un élève pour les didascalies, l’enseignant pour L’Arbre et trois élèves pour L’Enfant (on change de lecteur à chaque changement de répliques) ; les quatre élèves qui liront « Jeudi » sont d‘abord assis en retrait dans l’espace de jeu.
- Séquence « Vendredi » : l’enseignant lit les didascalies pour donner le rythme ; trois élèves placés en chœur pour L’Enfant/ trois élèves de même pour L’Arbre, face à eux. On change de lecteur à chaque changement de réplique, sauf pour les répliques longues des pages 46 à 51, où l’on change dans une même réplique (effet choral) à chaque point entraînant une majuscule (. ? ! ).
- Séquence « Samedi » : un élève lit les didascalies, l’enseignant le monologue de L’Enfant. Puis même consigne que ci-dessus avec deux trios différents.
- Séquence « Dimanche » : pour vivre ensemble la fin lumineuse, on reprend la lecture en cercle. L’enseignant lit les didascalies. P. 65-66 : le texte passe de l’un à l’autre, petits caractères murmurés. P 67 et haut p. 68 : l’élève qui a lu la première réplique, lit les suivantes Puis, jusqu’à la fin, à chaque changement de personnage, en lisant ou après avoir lu, on passe la parole par les yeux à celui qui devra lire. Bonne habitude à prendre en vue de la lecture mise en espace mais aussi effet de concentration.
Après ce long temps de lecture, assis par terre en un cercle, on échange impressions, questionnements, en se penchant d’abord sur l’interprétation de toute la didascalie finale et de la question de L‘Enfant « Tu es qui ? » adressée à « la Robe qui vient ».
Exercice collectif possible : traduction de l’ensemble de l’histoire, par une image théâtrale. Par deux, les élèves répartis dans l’espace proposent une image symbolique arrêtée de la relation qui unit L’Arbre et L’Enfant. On précisera qu’il ne s’agit pas ici de mimer L’Arbre (par exemple bras levés pour figurer les branches), mais d’exprimer seulement leur relation avec son corps.
Exemples : face à face, l’un pose une main ferme sur l’épaule de l’autre, en signe de soutien ; l’un est au sol en position fœtale, l’autre le soulève pour le dresser etc. L’enseignant repère les images les plus représentatives qui sont reprises devant le groupe. Leur commentaire permettra d’affiner la compréhension profonde de cette relation.
L’échange en cercle aura conduit naturellement à aborder la symbolique qui baigne l’ensemble du texte.
Du temps que les arbres parlaient, c’est le passage laborieux de l’ombre à la lumière, d’un temps où L’Enfant ne veut pas être, à celui où il naît à la vie, le passage du néant à l’existence : il faut chaque jour, se remettre au travail. On fera prendre conscience de cette construction signifiante : répétitive, elle accuse cet effort. Chaque jour, l’Enfant arrive auprès de L’Arbre, son obsession en tête, et chaque jour, il repart, sans que L’Arbre l’ait totalement apaisé, convaincu. D’où aussi Le mythe de Sisyphe cité en exergue.
Ceci, le temps d’une semaine. Pourquoi cette durée, qui n’a aucune justification réaliste ?
Avant de répondre, on demandera de rechercher deux autres déroulements du temps sous-jacents : celui d’une saison de la fin de l’hiver à l’éclosion de l’été et celui d’une journée : Lundi « le vent de 10 h vient de passer » (p. 10) ; Dimanche commence à l’aube (p. 68) L’Enfant vient de voir le jour une deuxième fois, giclant du ventre de L’Arbre, à l’aube d’une nouvelle vie. Les élèves comprendront aisément que les 24 heures symbolisent le passage de L’Enfant d’un horizon de plus en plus sombre, à l’ouverture d’un horizon lumineux. La Terre a fait sa révolution dans le ciel, L’Enfant a vécu une révolution en lui : il a trouvé le goût de vivre et… la vie ? l’avenir ? l’amour ? le bonheur ? La symbolique de la fin de l’hiver au début de l’été sera interprétée de la même façon.
Et ces sept jours, symboliques eux aussi ? Oui. La semaine est un cycle qui revient à son point de départ, comme L’Enfant revient à sa naissance mais changé. Et les sept jours, un écho à la Création : comme le Dieu de La Bible créa le monde et la vie en six jours et se reposa le septième pour contempler son œuvre, L’Enfant met lui, six jours à se reconstruire, pour finalement se redonner la vie, le septième.
Ainsi, cette construction symbolique inscrit-elle la vie de L’Enfant, si infime soit-elle, dans l’infini de l’univers et de l’histoire de la Vie sur Terre, comme L’Arbre s’emploie à le lui faire entendre. Il n’a donc pas à se poser la question « être ou ne pas être ? », il n’a qu’à pousser comme le blé (p. 43).
Un paysage originel : étude des didascalies initiale et finale
Possible travail à la maison, à partir de ces deux didascalies :
- Souligner de deux couleurs différentes, la description du paysage « réel » et sa représentation scénique (voir Espace de la fiction / espace théâtral et Espace / Temps).
- Dessiner sous forme d’esquisse, tel qu’on l’imagine, « le paysage réel » de ces deux moments, y placer les personnages, en étant particulièrement attentifs au choix du format. On attend évidemment un paysage en cinémascope qui conduira à distinguer le cinéma de la représentation théâtrale. On se posera la question de la transposition symbolique, dans l’espace intérieur limité de la scène et par le jeu.
- Ceci permettra d’aborder les fonctions multiples des didascalies : prolonger la fiction pour les lecteurs, comme le ferait la description ou narration dans un roman : donner des indications scéniques au scénographe, aux acteurs etc. ; mesurer la domination des didascalies fictionnelles dans le texte d’Yves Lebeau et leur écriture poétique (allitérations, assonances, métaphores, rythme) et se demander si, au-delà de l’inspiration donnée au scénographe, cette part-là ne pourrait pas être parfois dite en voix off ou écrite, comme on l’a vu dans des mises en scène, ces dernières années.
- On en profitera aussi pour caractériser l’écriture théâtrale du texte : un dialogue vif souvent en « duel » (répliques courtes ; répétitions-reprises) à la langue sonore, qui joue des allitérations, assonances et n’hésite pas à recourir ici et là au langage familier et imagé ; des didascalies poétiques qui contrastent.
Le paysage est une immensité vide, une plaine où seul trône L’Arbre qui, outre tous les rôles affectifs joués auprès de L’Enfant, ressemble de temps à autre à un Dieu créateur : il donne au soleil l’ordre de monter au zénith pour faire mûrir le blé p. 71. Conformément au précepte de Brecht « derrière le naturel découvrez l’insolite », on se demandera pourquoi Yves Lebeau n’a pas choisi de situer cette rencontre en montagne ou dans un parc, un jardin ? On renverra les élèves au dialogue p. 22 : « L’Enfant : Et avant moi et avant toi ? Je sais y’avait le vent/ L’Arbre : Et avant le vent, la plaine. La plaine est première ». C’est la plaine d’avant la création du Monde, celle d’avant la renaissance de L’Enfant. On retrouve là encore la Genèse : Au temps où Yahvé Dieu fit la terre et le ciel, il n’y avait encore aucun arbuste des champs sur la terre et aucune herbe des champs n’avait encore poussé () (Genèse. Éd. Autrement collection Aubes du monde)
Et le blé, qui semble pousser là sans la main des hommes, accompagne dans sa pousse, l’éclosion de L’Enfant aux pages 43, 46 et 52. Dans beaucoup de civilisations, il est la plante liée aux origines et qui « évoquait la pérennité des moissons, l’alternance de la mort du grain et de sa résurrection en de multiples grains » (Dictionnaire des symboles : Blé).
Comme pour le paysage, on posera la question :
Pourquoi Yves Lebeau n’a-t-il pas choisi comme interlocuteur de L’Enfant, un chien, un cheval, une étoile ?
Cette question permettra de prendre conscience que le texte va bien au-delà du conte, pour rejoindre les grandes mythologies qui nous habitent, même quand enfant, on les ignore.
Il se tient debout à la verticale (pensons au double sens des répliques de L’Enfant à L’Arbre p. 76 et au « Et je veux qu’on me dresse » !). Dans de nombreux contes ou légendes l’arbre, quand il a connu des épreuves, à l’image de l’homme, gémit et saigne. L’Enfant ne s’y trompe pas : « Je t’ai regardé, oui ! T’as des branches j’ai des bras, t’as de la sève j’ai du sang. Seulement quand j’appelle, tu réponds. Et ça ! » p. 75.
Comme l’homme il a les deux pieds sur terre L’Arbre : « je suis raciné dans l’argile » p. 32 et la tête dans les étoiles. « Notre grand frère immobile », selon les mots de Romain Gary.
À ce propos, on pourra nourrir l’imaginaire en montrant les dessins et peintures d’arbres hommes ou femmes (voir notamment Le Livre des Genèses), en racontant ou donnant à lire certaines métamorphoses d’Ovide.
L’Arbre grandit (verbe qu’on lui applique parfois, ce qu’on ne fait pas pour les plantes) et est doué de mémoire : dans ses anneaux de croissance, il garde non seulement la marque de son âge (p. 16) mais les traces d’années de sécheresse, de maladie, à partir desquelles on peut deviner la vie des ancêtres (pas étonnant, au-delà de sa forme, qu’on l’ait chargé de figurer la généalogie). Dans le texte, le fait que l’Arbre se souvienne de l’histoire de la famille de L’enfant n’est donc qu’une extrapolation.
Et pourquoi un chêne ?
Sa traversée des siècles (p. 16 -18) comme sa robustesse (étymologie de robuste empruntée au Moyen Âge au latin robustus dérivé de robur : chêne très dur) est une image rassurante de la vie pour L’Enfant.
Mais un autre élément préside sans doute au choix d’Yves Lebeau, évoqué non sans malice p. 10-11 : le Chêne et L’Homme ont en partage le gland, source de vie. Dès le latin, glans-glandis désigne à la fois le fruit du chêne et le gland de l’homme. Belle occasion d’aborder en passant l’anatomie sexuelle, dans un texte lié à l’éclosion de la vie. Les expressions familières « glander » « avoir l’air d’un gland » expliqueront le jeu de mots « Autant qu’un gland » p. 11, et la haute idée, que L’Enfant a de lui-même !
Enfin dans beaucoup de traditions, le chêne est un arbre qui parle.
Lecture documentaire : extraits de l’article Arbre du Dictionnaire des symboles, et recherches sur les chênes oraculaires.
Poésie : vagabondage dans L’Arbre en poésie (Folio junior), notamment les poèmes qui peuvent faire écho au texte : pages 60, 71, 72, 97, 103, 119, 123 et 132.
L’Argile – que l’auteur écrit parfois avec une majuscule… - dans laquelle L’Arbre est raciné, accompagne toute la reconstruction de L’Enfant.
On en recensera les étapes, le contexte qui les entoure et ce qu’elles apportent.
Les séquences des « Mercredi », « Samedi » et « Dimanche » en révéleront plus particulièrement, le double caractère : psychanalytique et mythologique. Travaillé avec des élèves de 3e ou 2de, dans une visée littéraire (voir partie en italiques dans L’Arbre pour L’enfant ? Un Sage), l’accent sera mis sur la lecture psychanalytique, avec les plus jeunes, sur la mythologie.
L’apparition de L’Argile (p. 32) se fait d’étrange manière : L’Enfant, qui jusqu’alors était raide et toisait, entame une course frénétique autour de L’Arbre, il « s’étourdit et s’étale de tout son long ». Et c’est, lui-même plein de boue, qu’il se met à pétrir un arbre. Ce moment de frénésie semble déclenché par le récit de la vision du ventre de sa mère (p. 31), sur laquelle il serait bon d’ouvrir une parenthèse.
On répondra, sans trop s’y attarder, aux questions éventuellement posées sur l’image squelettique : l’enfermement dans le chagrin, au point d’en oublier l’amour à donner à son enfant et de ne plus manger (elle sert seulement l’enfant), fait qu’elle reste en peignoir et est devenue si maigre que ses veines bleues apparaissent sous la peau. Par contre, on élucidera et commentera l’ouverture du peignoir, (en laissant à l’intimité des jeunes lecteurs, la part œdipienne de cette vision, sans aucun doute présente et que l’on retrouvera plus loin dans le vol de la trompette) à partir de l’expression « les bras m’en tombent » : L’Enfant et elle ne se parlent plus et pour la première fois, sur le conseil de L’Arbre, il a renoué le dialogue par son « merci ». L’étonnement est si grand qu’elle en lâche son peignoir, qui s’entrouvre et découvre son ventre (caché, révélé, par la fente de l’ouverture, qui préfigure la fente de L’Arbre blessé par l’orage et « le ventre de bois » où L’Enfant va vouloir disparaître et tout à la fois, retrouver le ventre maternel pour une nouvelle naissance.)
À noter que, dans certaines croyances anciennes, le Chêne apparu sur Terre avant l’homme leur aurait donné naissance. « On dit que certains Hellènes appelaient les chênes « les premières mères » J. Brousse La mythologie des arbres. Dans toutes les croyances, l’arbre est ambivalent : père (le tronc dressé, image phallique) et mère (l’arbre creux ou au feuillage habité d’oiseaux, porteurs de fruits) (voir Dictionnaire des symboles p. 66). Comment ne pas penser qu’il y a là le possible accomplissement d’un rêve impossible d’Yves Lebeau : enfanter ? lui qui, grand-père, se rêve dans dix ans, père de trois ou quatre nouveaux enfants…
(voir entretien vidéo sur notre web-tv)
C’est donc le plaisir de cette découverte du ventre de sa mère « - L’Arbre.- Un ventre est un ventre./ L’Enfant.- Ah, non ! Alors là, non ! » - plaisir incestueux inconscient et retrouvailles avec sa mère comme mère génitrice, qui l’amène à cette agitation vibrante et déclenche ce plaisir de la boue connu des enfants (réminiscence du monde souterrain maternel ? part d’animalité charnelle ?).
Cela le conduit à créer un petit arbre d’argile, modèle de lui-même « Se profile un arbre étique à la Giacometti ». Pour quelqu’un qui veut disparaître, c’est un début de construction. S’il se projette dans un arbre c’est que L ‘Arbre est le seul être debout, solide, auquel il puisse s’identifier. Il vient d’ailleurs de lui avouer « Tu tiens ta place », la place du Père évoqué juste avant comme un géant, p. 32. Au plus mal, le Jeudi, « L’Enfant s’est mis en boule au pied de son Arbre d’Argile coiffé qu’il ne quitte plus des yeux », comme s’il s’accrochait à cette image-création de lui même, tandis que L’Arbre pour répondre à son refus de vivre lui renvoie justement des images de la verticalité p. 43 : « Allons, debout ! Du nerf, bon Dieu de bois ! Garde à vous, fils. » L’Arbre sait le bien-être que L’Enfant peut tirer de cette création manuelle et l’y encourage : p. 52 « Si tu en plantais un autre, un autre et un autre ? ».
Et comme s’il percevait les liens inconscients de ce travail de la terre avec ses origines, à chaque fois que L’Enfant est sur son œuvre, L’Arbre lui parle de son père et sa mère à l’origine de sa vie… Jusqu’à l’amener, le Vendredi, à se décharger de sa culpabilité « T’as idée toi de ce qu’il cherchait ? » L’Enfant fait mine de ne pas entendre tout occupé à sa création. Alors l’orage arrive tel le déluge destructeur et régénérateur (voir ci-dessous).
Le Dimanche, L’Enfant après avoir été au bout de la régression en remontant au ventre de substitution de L’Arbre, gicle, nu, pour une nouvelle naissance et retrouve ce matériau des origines. L’étude de la didascalie de la page 70 sera incontournable : l’argile dans laquelle il se jette avec la frénésie qu’on lui avait connue lorsqu’il avait découvert le ventre de sa mère, est à la fois noces avec la fange obscure, primitive (on songe au passage de Vendredi ou la vie d’un sauvage où Vendredi régresse dans l’animalité) et acte d’un Dieu créateur : l’Argile, materia prima de la Création « Alors Yahvé Dieu modela la glaise du sol, en fit Adam… ». L’Enfant, osons le jeu de mots, l’enfant se crée de boue/debout, en même temps qu’il crée un être massif d’argile noire, image évidente du père, qui peut se substituer à l’image de L’Arbre. Symbolique forte choisie par Yves Lebeau.
L’Arbre a joué le rôle du psychanalyste : il a fait émerger la parole (et la culpabilité du vol de la trompette), ce n’est pas lui qui a à proprement parlé redonné vie à L’Enfant mais lui-même. D’où à la page suivante, que faire de ce dimanche, septième jour de la Création où le Dieu de La Bible contemple son œuvre ?… L’Enfant : on n’a qu’à vivre.
Cet « être massif d’argile noire qui va » l’accompagner encore quelque temps, fait peut-être, aussi écho aux géants des mythologies dont le personnage du Golem de la tradition juive, pétri avec de l’argile rouge à l’imitation d’Adam et sur le front de qui on écrivait en hébreu, vie.
À son propos, on montrera des photos des géants de terre du sculpteur africain Ousmane Sow, visibles sur Internet.
Évidemment amener les enfants à connaître cette expérience sensible de la terre vaudrait beaucoup d’explications…
Dans le paysage vide habité seulement par L’Arbre, qui appelle un plateau nu, un seul objet réaliste, caché puis révélé dans toute sa brillance : la trompette dorée du père, homme noir. Objet signifiant par excellence. L’Arbre qui voit et sait tout connaît l’histoire de la trompette avant même qu’elle n’apparaisse au lecteur p. 54-55, sous la menace de la foudre : « L’Enfant fait glisser la crémaillère de son blouson, d’où émerge… L’Arbre : L’instrument de papa ! »
À l’évidence, cet instrument qui évoque le grand appétit de vie et de liberté du peuple noir à travers le jazz, et qui célèbre la naissance de L’Enfant p. 33, est aussi un instrument phallique (Yves Lebeau le confirme dans un clin d’œil amusé au lecteur adulte p. 59) Matérialisation du complexe d’Œdipe et du double interdit : « Y toucher, c’était interdit, même le dimanche » (p. 60). Le vol de la trompette par l’Enfant déclenche la rupture du couple Mère/Père et l’enchaînement de la tragédie, folie de la mère qui engendre le désir de mort de L’Enfant. Quand la trompette refoulée dans le blouson sera mise au jour, que le couple se sera reconstitué sur la lointaine île de la Guadeloupe, L’Enfant, « re-né » et construit, saura miraculeusement jouer à son tour de la trompette… Et la Robe pourra venir de l’horizon, image féminine lumineuse, de l’endroit même où était l’image obscure de la Mère.
La trompette est aussi un instrument à vent en rapport avec le souffle et la respiration qui habitent tout le texte.
Consignes
On demandera aux élèves de reconstituer, chronologiquement la vie de la trompette (au besoin, on leur fournira, les pages où il est question d’elle, cachée ou révélée : pages 30, 32, 33, 50, 54-55, 58-61, 64 et 70, 74)
Écriture : Il était une fois une trompette qui… Poursuivez à la manière d’un conte.
À partir de ces reconstitutions des faits, on en viendra à leur interprétation : faute originelle, conséquences tragiques, culpabilité, punition/libération du mensonge par l’orage, image du Déluge biblique destructeur et régénérateur (voir Dictionnaire des Symboles : déluge) et sa déclinaison dans le texte (la blessure ouverte dans l’Arbre va permettre la nouvelle gestation de L’Enfant ; l’Arbre d’Argile détruit va céder la place au Géant d’Argile ; la mère, peut-être apeurée, serait partie rejoindre le Père ?) ; symbolique de l’eau qui nettoie le corps et l’âme (la mère et cette obsession de se laver et, image plus lumineuse p. 77, l’eau qui jaillit pour nettoyer L’Enfant de la boue tel le nouveau-né, avant la rencontre de la Robe).
Écriture en guise de bilan
Écrivez une scène théâtrale à la manière d’Yves Lebeau : deux personnes ou animaux, qui n’ont rien de commun se rencontrent, dans un espace vaste que vous décrirez et ferez vivre dans les didascalies (on précisera les attentes par rapport aux caractéristiques de cette écriture).
Nous ne donnerons pas ici de méthode pour aborder cette question délicate (prendre conseil auprès de l’infirmière ?)
Faut-il d’ailleurs l’aborder en soi ? Au-delà de la lecture cursive, où elle apparaîtra comme une épreuve initiale répétée, que l’adjuvant Arbre va aider à dépasser en autant d’étapes de reconstruction de L’Enfant jusqu’à sa découverte finale du bonheur de vivre : parler à quelqu’un, être écouté, mettre des mots, se projeter dans l’action, la création, qui montre que l’on peut faire quelque chose de soi tout seul, au-delà du malheur causé par d’autres ; et, dans le cas d’un enfant, penser qu’on n’est pas encore assez grand, pour savoir tout ce qui est beau dans la vie p. 44 : « L’Arbre () T’es si pressé ? Tu veux finir avant d’avoir commencé ? Attends d’avoir des mains… L’Enfant : J’en ai. L’Arbre : Des mains de grand, des pieds de grand, des pensées de grands, des envies de grand ? Et y a pas que ça qui grandit ! ».
On reviendra aussi, à l’inventaire établi au moment de « Rêver le texte ».
Peut-être, sera-t-il utile par contre, de s’attarder sur ces jeux dangereux des cours de récréation. Dans le cadre d’un cours de science annexe, avec participation de l’infirmière ou du médecin scolaire ? Dans ce domaine, comme pour le suicide, ne pas donner « le mode d’emploi », ne pas s’attarder sur la façon de faire de L’Enfant mais enseigner le fonctionnement de la respiration, les conséquences sur le cerveau et le respect de son corps et du corps de l’autre.