On peut commencer par une mise en condition, pour la concentration : les élèves marchent dans tout l’espace. On installe le silence, la marche tête dégagée. Quand l’un d’entre eux s’arrête, tous s’arrêtent. Quand un autre repart tous repartent. (On demandera à chacun de ne pas réintervenir sur le groupe quand il aura expérimenté l’exercice). On conseillera aux enfants de faire varier les rythmes de marche, les temps d’immobilité.
(Propositions inspirées des exercices d’approche des textes de théâtre en classe de Katell Tison-Delmat, animatrice nationale théâtre de l’OCCE.)
L’adulte aura reproduit, de manière à permettre un découpage en languettes, chaque réplique-ligne du texte, avec tiret, ponctuation mais sans l’indication des personnages. Les élèves seront restés debout dans l’espace, silencieux. On distribue à chacun dans le désordre 2 ou 3 languettes des 59 répliques. Dans l’immobilité chacun murmure pour lui-même les 2 ou 3 phrases, en tenant compte de la ponctuation.
Puis on reprend l’exercice précédent mais cette fois lorsque l’un s’arrête, tous le regardent, il dit une seule de ses phrases dans l’ordre qu’il veut en veillant à capter l’attention de tous.
Quand toutes les phrases ont été dites, on peut s’asseoir par terre en formant un cercle. On peut ainsi :
On échange, on complète, situe ce tableau par rapport au I (temps / espace / personnages)
Remarque préalable : Sylvain Levey semble avoir revu son texte après l’édition lors d’une lecture publique personnelle, pour attribuer toutes les répliques des p. 25/26/27 au chœur de soldats et ne garder à Coquelicot et Arsène que les répliques de la fin. On fera d’abord modifier le texte en ce sens.
Dans la continuité, toujours en cercle, on lit selon le même principe le Tableau III. On rappellera les consignes : comme précédemment on respecte le temps de passage à la ligne et la ponctuation ; on ne lit pas pour soi, on adresse le texte aux autres.
Puis on sépare le groupe en un groupe de lecteurs, un groupe de spectateurs, éloignés au maximum. Les consignes de base sont les mêmes mais cette fois, il ne s’agit plus de découvrir le texte, il faut l’offrir aux autres comme s’il ne l’avait jamais lu, en leur transmettant ce qu’on a compris, ressenti. Le groupe de lecteurs sera regroupé en chœur et comme ils l’ont fait précédemment, grâce à une bonne écoute au sein du chœur, ils liront de manière aléatoire. Si deux commencent à lire en même temps ce n’est pas grave (d’autant que tous les soldats vivent la même situation), ils ne s’arrêtent pas mais lisent ensemble.
Après ces lectures chorales, on amènera les enfants à identifier la construction en flash-back et le relais de personnages (Mirabelle et Hippolyte ont disparu) ; à mesurer que l’horizon d’attente se confirme : c’est bien l’histoire d’Arsène et Coquelicot, les grands-parents d’Hippolyte et Mirabelle, que nous allons suivre.
Cet exercice choral aura mis en évidence le contraste de tonalités entre les tableaux II et III, accentué par la même construction dramaturgique (un long temps attribué à un chœur puis un temps court de répliques courtes d’Arsène et Coquelicot).
On fera relire ces répliques de la fin des deux tableaux, en enchaîné. On sentira l’émotion qui se dégage du contraste (dernière réplique d’Arsène p. 23 à l’impératif, dynamique : « Dansons » ; dernière réplique de Coquelicot, interrogative suspendue, sans réponse) et du commentaire final du chœur déchirant. La cassure entre les deux est d’autant plus forte que Sylvain Levey a, par la brièveté accordée aux deux personnages, créé comme un gros plan, une image arrêtée ; avec un minimum de paroles, il a fait figurer l’immense bonheur et l’immense douleur : noces joyeuses / départ à la guerre.
Ce serait le moment de se demander pourquoi l’auteur a modifié l’attribution du texte : pour retrouver une construction similaire qui accentue, par comparaison, le contraste et donc l’émotion ? Pour créer cet arrêt sur image final ? (Peut-être Sylvain Levey a-t-il aussi eu l’impression que, dans cette situation dramatique-là, attribuer ces paroles à la 3ème personne à ceux qui ne sont qu’à leur séparation, mettait une distance dommageable ?) Bonne occasion de montrer aux enfants que les auteurs aussi corrigent leurs écrits…
Pour conclure cette exploration des tableaux II et III, on pourrait chercher ensemble des titres expressifs qui rendraient compte de la situation et de l’atmosphère contrastée.
Si l’on décidait d’aller plus loin avec une lecture mise en espace de ces deux tableaux, les répliques seraient distribuées, et on réfléchirait aux placements symboliques des chœurs par rapport au couple (on n’est pas encore dans le jeu, avec gestes et déplacements).
Une suggestion, mais le groupe trouvera peut-être d’autres solutions : un chœur resserré intégrant le couple seulement un peu détaché de lui, et dans une attitude qui les établit comme couple, dans le tableau II ; dans le tableau III un chœur de soldats (ou une ligne de soldats unis par les épaules, figurants le régiment et le quai ?) éloigné du couple, seul au monde dans sa déchirure.