éditions Théâtrales Jeunesse

Billybeille

de Evan Placey

Carnet artistique et pédagogique

Parler seul : l’expression de la solitude du petit garçon

Les lectures de la distribution et des notes de mise en scène ont dû permettre aux élèves de comprendre que Billybeille est un monologue porté par le personnage éponyme. Les autres personnages sont joués par Billy lui-même par le truchement de jouets ou de dessins par exemple. Billy est très seul, à cause de son TDAH d’une part, et du départ de son père d’autre part. La solitude et l’incompréhension sont précisément les sentiments que Billy va explorer dans son monologue.

En prenant par exemple la première didascalie de la pièce (p. 9) et l’indication de jeu au début de la prise de parole de Billy, l’enseignant·e pourra d’abord demander aux élèves à qui s’adresse le monologue du petit garçon et pourquoi, selon elleux, Evan Placey a choisi d’aborder le sujet de la pièce par le biais d’un monologue.

Le monologue permet notamment d’évoquer avec les élèves la notion d’adresse. Plus formellement, on pourra donc interroger les élèves sur le rapport au temps induit par cette forme : à quel moment nous situons-nous par rapport à ce que Billy nous raconte ? Quel effet cela produit-il de recevoir les informations au fur et à mesure ? Comment évolue notre regard sur sa vie à mesure que nous reconstituons son histoire ?

Il s’agira évidemment de faire comprendre la pertinence d’une parole directe et solitaire, adressée aux spectateur·ices – si on parle de monologue - mais également de mettre en lumière la nécessité de sensibiliser le jeune public à des sujets complexes comme celui du TDAH – et in extenso à la neuroatypie – et ce notamment grâce au théâtre.


Une résistance face aux règles

Billy dit ressentir un décalage et une sensation d’isolement. L’enseignant·e pourra lire ces différents extraits du texte en classe en demandant aux élèves de nommer les constats que Billy fait sur lui-même par rapport à son comportement, en décalage avec le monde qui l’entoure :

« Parce que je ne m’arrête jamais. Jamais. Et même quand elle croit que je vais m’arrêter, que je vais finir par m’épuiser...
Il interrompt ses mouvements. Puis redémarre.
Je m’arrête jamais, je m’arrête jamais de parler. » (p. 23)

Je remarque un extincteur sur le mur.
« N’y pense même pas. Assieds-toi. »
Je ne m’étais pas rendu compte que j’étais debout. (p. 16)

En rappelant la suggestion faite par Evan Placey dans ses notes de mise en scène – à savoir que la/le comédien·ne qui incarne Billy soit souvent en train de bouger tandis qu’iel parle – l’enseignant·e pourra demander aux élèves quel serait le comportement attendu de Billy et en quoi, dans sa parole, mais aussi dans l’incarnation du personnage sur scène, il s’y oppose. Plus encore, comment ce décalage est exposé et participe à l’avancée du récit et à la compréhension du héros.

En s’appuyant ensuite sur la prise de parole de Billy (pp. 9 à 13). L’enseignant·e pourra faire remarquer aux élèves l’usage de l’impératif et demander aux élèves de qui proviennent les ordres donnés à Billy, et comment ceux-ci n’agissent pas sur l’état du petit garçon.

De toutes ces règles imposées à quelqu’un qui n’arrive pas à jouer le jeu, l’enseignant·e pourra amener les élèves à réfléchir sur la situation d’ostracisme que Billy ressent à l’école, vis-à-vis de son institutrice et des autres enfants. Le point de départ pourra être cet extrait :

« […] Trouble
du Déficit
et de l’Attention
avec ou sans Hyperactivité
T
D
A
H
[…] tout ce que ça va faire c’est que je vais avoir un dossier jaune à l’école et que je vais devoir voir madame Portier et qu’en plus de Billybeille, maintenant je vais recevoir d’autres surnoms et je vais sûrement retourner dans cet endroit qui sent le pipi de bébé et où ils n’arrêtent pas de parler de moi à la troisième personne, c’est-à-dire qu’il n’y a plus de moi, de je, de moi-même c’est-à-dire que c’est comme si j’étais pas là et peut-être que Billy devrait aller attendre dans le couloir alors j’y vais. » (p. 27)

Avec des élèves plus agé·es on pourra également proposer un débat sur le bienfondé des règles en société et sur la notion d’arbitraire.


Les surnoms

L’enseignant·e demandera ensuite aux élèves de lister les défauts que Billy énumère suite au diagnostic posé par le médecin sur sa situation. Comment se sent-il ? Qu’évoque-t-il par « cet endroit qui sent le pipi de bébé » ? Quels « autres surnoms » pourraient devenir les siens ?

Billy avait déjà évoqué son décalage plus tôt dans la pièce en ces termes :

On voit madame Portier deux fois par semaine parce qu’on est très « spécial » ce qui est un euphémisme c’est-à-dire un mot qui cache un autre mot – « spécial » ça veut dire que dans la pièce on nous demande seulement de rester debout et de tenir des branches […]. (pp. 24-25)

L’enseignant·e pourra demander aux élèves ce que Billy, et par extension le monde qui l’entoure, peut cacher derrière le mot « spécial ». Ce mot a-t-il une connotation méliorative ou péjorative ? Par quels autres mots pourrait-il être substitué ? Ce sera ici l’occasion d’un point pouvant être fait en complicité avec un·e professeur·e d’enseignement moral et civique sur la considération des « personnes spéciales » dans notre société : qui sont-elles ? Comment sont-elles traitées, accueillies, perçues ?