La Serbie à l’heure des funérailles de Slobodan Milosevic : une mosaïque de voix pour dire la douleur, la colère, la violence, la misère, la haine, les frustrations et les contradictions.
Dans ce texte puissant d’Angélica Liddell, la souffrance collective est aussi douleur intime. Les personnages, victimes ou complices croisés à la faveur d’une enquête menée par un jeune Occidental pour son père, sont à l’image de ce pays : meurtris jusque dans leur chair.
Les filiations, plus qu’un repère, sont un tourment. Et les rencontres, plus qu’un échange, sont un affrontement ou un règlement de comptes.
La décomposition d’un pays devient déconstruction du texte : les voix s’enchaînent sans jamais vraiment parvenir à se répondre ; le langage cru et dérangeant contraste avec le lyrisme des textes liturgiques placés en début de scènes.
Artiste radicale, Angélica Liddell déflore notre bonne conscience et assène les mots que l’on ne veut pas entendre.
"Liddell ne parle pas d’elle ici, n’est pas ici son personnage comme dans d’autres textes, mais elle est celle qui, en 13 scènes, fait entendre les voix de la douleur des peuples des Balkans.../... La forme même du texte s’affirme selon une rigueur dramatique remarquable.../... Dans Belgrade, A. Liddell, non seulement parle de l’Europe défunte (celle des Balkans et celle de l’Ouest) mais surtout elle travaille la langue comme les corps sont suppliciés dans la violence verbale, des mots très souvent rejetés à la ligne, isolés comme si la phrase ne pouvait jamais se déployer au milieu du carnage, et de la bêtise humaine." Marie Du Crest, La Cause littéraire (10 juillet 2015)
100 minutes